Filles du vent
Le quotidien des adolescentes en mal de repères et qui dévient quelque peu de la norme est loin d’être une partie de plaisir. Il est parsemé de mauvaises intentions et de déceptions passagères ou plus durables. Alors lorsque se pointe la possibilité de partir pour un périple, ce projet (car c’en est un, et réfléchi mûrement), qui est une forme de résistance, de rébellion, offre une bouffée d’air frais au trio de fugueuses.
Filles du vent
Mathilde Faure
éditions : CHARLESTON 2021
Tout d’abord ça commence plutôt mal, trois adolescentes se racontent tour à tour, elles vivent dans un foyer de l’ASE à Argenteuil et déballent leur quotidien avec morgue et vénérité, j’ai d’emblée envie de refermer le livre mais je m’obstine, espérant une suite plus fun ; allez, encore quelques pages.
Ouais, ça a un air de déjà vu, un goût de réchauffé, on va me balancer brut de dec la réalité des filles en difficulté, au passé pas rose du tout, sujet de maint et maint livres. Elle vont se lâcher, fuguer, se maraver… Je m’accroche, heureuse idée parce que dépassé ce démarrage difficile, le récit des monologues de chacune des protagonistes du roman se fait plus clair et je parviens à trouver le fil qui les relie. Quelque chose de chouette se fomente, de pas permis par la règle du foyer mais néanmoins c’est un projet un peu fou, qui mûrit dans la tête de Lina (le bonhomme se nomme-t-elle tout au long du bouquin), Assa, prudente tarde à se décider à se lancer dans l’aventure, et Céline au début du moins est la caution flouze du trio. Elle se prostitue et sait où est caché l’argent de son mac. Lina, cash et sans artifice, est l’initiatrice du périple, Assa est l’intello de la petite équipe. Des caractères différents, mais une rage commune en elle qui les fait se lever de concert. Elles ont toutes quelque chose en tête. Un petit secret ou un projet.
Et ces trois destins individuels vont peu à peu se muer en un seul : faire savoir, hurler par écrit leur condition, une condition d’un autre temps.
Il s’agit d’une insurrection pérégrine (au premier sens du terme), un soulèvement discret mais spectaculaire, une série d’actes militants qui les verra aller d’Argenteuil à Bordeaux en passant par Lille, Strasbourg, Lyon, Marseille et Toulouse. Une aventure qui les poussera à se lier d’amitié en s’engageant pour une cause féministe originale.
Il y a comme un élan de fraîcheur communicatif dans ce récit sans prétention mais qui touche au coeur d’un essentiel, peu traité dans la littérature de fiction, le sort réservé aux filles dans les foyers de l’enfance.