Chansons en mouvement

Combien d’adultes, dont nous sommes parfois, continuent-ils à penser que les enfants écoutent mieux quand ils sont immobiles ?

Sous le chapiteau accueillant un concert de Pierre Chêne, lors du Festival de la Chanson pour enfants de Boissy-Saint-Léger, le spectacle n’était pas seulement sur scène.

Dans les larges allées, des enfants dansaient librement. Les plus petits réagissaient surtout au contenu rythmique, ils participaient de tout leur corps avec une joie évidente. Un garçonnet dessinait, en se déplaçant, le phrasé de la chanson tout en ponctuant de gestes de bras et de tête certaines cellules rythmiques qu’il retrouvait à chaque passage. Quelques-uns, plus âgés, évoluaient a plusieurs, le temps d'une chanson-rencontre.

Le plaisir de l’écoute est indissociable du mouvement

L’observation de ce comportement, habituel aux enfants, met en évidence la liaison étroite existant entre les sensations musicales et motrices.

Celle-ci va de soi dans les jeux chantés puisque, à l'origine, le chant, le mouvement, le jeu ont été élaborés ensemble. Certes, les enfants qui en furent les artisans peuvent y apporter des modifications mais pour satisfaire plus largement leur besoin de création et de renouvellement, il est bon de les inviter aussi à inventer des déplacements, des évolutions, des règles de jeu… sur d’autres chansons de leur répertoire.

Ces courts moments d’invention leur permettent de vivre en mouvement, selon leur sensibilité et leur désir de l’instant : le phrasé, le contenu rythmique, ou ce que raconte la chanson. Notre rôle n’est pas de nous substituer à eux en proposant des évolutions qui seraient les nôtres mais de trouver une organisation claire, adaptée au groupe et à la situation, de délimiter l’importance et la durée de la recherche selon l’âge des participants, leurs habitudes et la chanson.

Qui propose ?

Au départ c’est vous qui donnerez l’élan. Par la suite, les enfants prendront de plus en plus d’initiatives.

Certaines chansons se prêtent particulièrement à ces expérimentations. Le choix des premières vous reviendra et votre souci sera d’ajuster celles-ci aux possibilités du groupe et à ses intérêts du moment. Après ces essais, si les enfants y prennent goût, des projets naîtront sur cette activité.

Gardez-vous d'avoir à l’avance, une idée précise de l’exécution ; votre disponibilité en serait amoindrie.

Écoutez et observez beaucoup et, comme le dit justement Henriette Goldenbaum dans la préface du recueil Chansons à danser, « Ne recherchez pas un résultat spectaculaire… les enfants, partis de la musique, seront en accord avec elle… ».

Ces inventions n’auront toutefois, qu’une durée éphémère, pour certaines, le temps accordé à la recherche. D’autres seront reprises par les enfants qui les ont créées ou pourront être présentées à un groupe ami…

Privilégier l'expérimentation

Ces jeux affinent l’écoute, la sensibilité musicale, favorisent la créativité, les relations dans le groupe, l’affirmation de la personnalité.

Leur pratique permet à l'enfant de franchir les étapes que Claire Renard définit comme essentielles à l'éveil musical : « entendre et faire, ensuite organiser ». Il est indispensable, dit-elle encore, « de privilégier l’expérimentation, d’initier l’enfant au fonctionnement de la musique à travers son propre geste, de tenir compte à la fois de son passé culturel et de son besoin d’expression » *

Ne nous y trompons pas : proposer ce type de jeux et de démarches, c’est déjà faire un choix éducatif et musical… À vous de jouer !

* Claire Renard, Le Geste musical, Hachette Van de Velde.

Article publié dans les Cahiers de l'animation - Vacances Loisirs n°24