Le gouret
Le gouret se joue chacun pour soi, sans équipes constituées. Chaque joueur est muni d'un bâton en forme de crosse de hockey. Disposés sur un arc de cercle d'environ trois mètres de diamètre, des «pots» c'est-à-dire des trous, sont creusés dans le sol ; il y a autant de pots que de joueurs moins un. Au centre du dispositif, est creusé un pot un peu plus grand que les autres : «le pot commun».
À chaque joueur est attribué l'un d’eux ; le pot commun revient au «rouleur». Celui-ci va donner le coup d'envoi d'une base de départ située à 5-6 mètres des pots en frappant de son bâton une boule de bois appelée le «gouret».
L'objectif du rouleur est de s'emparer de l'un des pots en y introduisant le gouret, ou l'extrémité de son bâton si ce pot est vide. Les autres joueurs défendent leur propre pot, notamment en repoussant le gouret à l’aide de leur bâton, et en essayant de s'emparer du pot d'un autre joueur en y posant l'extrémité de leur bâton.
Quand le rouleur a pris possession d'un pot, le jeu s'arrête et le propriétaire chassé de son trou devient le nouveau rouleur.
Caractéristiques
Terrain: Sur un endroit plat, horizontal et dégagé, on creuse autant de trous ou «pots» qu'il y a de joueurs moins un, tout en les disposant sur un arc de cercle d'environ trois à quatre mètres de diamètre. Un trou plus grand appelé le «pot commun» est creusé au centre du dispositif. À environ 5 à 6 mètres de l'ouverture de l'arc de cercle est tracée la base de lancement du gouret, lancement qui sera effectué par le rouleur à chaque nouvelle séquence de jeu.
Matériel: Chaque joueur doit se procurer une crosse de hockey, ou à défaut un grand bâton ou un manche à balai qui pourrait être suffisant pour pousser un gouret léger. Le gouret consistera en une boule, de préférence en bois, de quelques centimètres de diamètre.
Structure: Apparemment, un joueur est opposé à tous les autres. En réalité, il s'agit du «chacun pour soi» d'un jeu paradoxal dépourvu d'équipes constituées, où chacun doit se méfier de tout le monde. Chaque joueur doit protéger son propre pot, essayer de s'emparer de celui d'un autre, faire barrage à l'avancée du rouleur ou aider un autre pratiquant à conquérir un pot devenu disponible. Les alliances peuvent n'être que provisoires car rien n'interdit les «trahisons».
Action dominante: Le maniement d'un bâton prolongeant le bras pour pousser un objet afin de défendre des positions en relation avec des adversaires-partenaires, entraîne des actions sociomotrices originales ; ce type d'actions motrices inhabituelles modifie la conscience du corps de chaque participant au fur et à mesure qu'il acquiert une meilleure habileté.
Le jeu commence
Les participants rejoignent leur trou et placent l'extrémité de leur bâton dans le pot qui leur a été attribué.
Le rouleur, désigné par le rituel de début de jeu, prend position à la base de lancement et lance le gouret vers le pot commun, soit à la main, soit à l'aide de sa crosse. Les autres joueurs, s'ils le souhaitent peuvent alors quitter leur pot afin d'envoyer d'un coup de crosse le gouret le plus loin possible. Si le gouret s'immobilise en fin de trajet sans que personne ne l'ait touché, alors seul le rouleur a le droit de le frapper en un nouveau départ.
Le jeu se déroule
Le rouleur guide le gouret autant qu'il le peut en essayant de le protéger des frappes des autres joueurs. Son objectif est de s’emparer d’un pot. A cette fin, il peut :
- Faire entrer le gouret dans le pot d'un joueur, même si ce dernier a laissé sa crosse à l'intérieur ;
- Placer sa crosse dans le pot qu'un joueur a laissé libre ;
- Pousser le gouret dans le pot commun, ce qui provoque un «retournepot»; dans ce cas, chaque joueur doit alors obligatoirement placer son bâton dans le trou central en criant «Pot commun!», puis tenter de s'emparer d'un nouveau pot non occupé, différent de son pot d’origine, en plaçant sa crosse.
Les adversaires du rouleur tentent de dévier la trajectoire du gouret en pilotant celui-ci à l'aide de leur crosse. Ils peuvent mettre leur bâton en opposition pour empêcher tout pratiquant de conduire le gouret mais ils n'ont pas le droit de frapper délibérément le bâton du rouleur et celui des autres joueurs.
Dès que le rouleur a lancé le gouret, chaque participant dispose de multiples possibilités, même celle de ne pas bouger. Il sera cependant obligé de se déplacer en cas de retourne-pot et il deviendra rouleur si le gouret tombe dans son pot. Les diverses actions engagées par le joueur peuvent être des actions d'opposition ou de coopération qui s'entremêlent sans cesse. Les alliances tacites peuvent se faire et se défaire selon que l'on veut aider quelqu'un à garder son pot ou au contraire aider le rouleur à s'en emparer, permettre au rouleur de mettre le gouret dans le pot commun ou l'en empêcher.
Le jeu s’achève
Une séquence se termine quand le rouleur a réussi à placer l'extrémité de son bâton dans un trou libre et à crier : «Trou!». Il en va de même lorsque le gouret pénètre dans un pot, même si son propriétaire y a laissé sa propre crosse. Une nouvelle séquence commence alors avec le lancement du gouret par un nouveau rouleur.
La partie se termine sans vainqueur ni vaincu lorsque les joueurs décident de s'arrêter d'un commun accord.
Autre manière de jouer
On peut accorder à chaque joueur le droit de s'emparer d'un pot vide à tout moment et pas seulement à l'occasion d'un retourne-pot. Cette variante suscite davantage de changements et d'entrecroisements stratégiques. Il est conseillé de ne présenter cette variante, plus brouillonne et plus confuse, qu'après avoir maîtrisé la pratique précédente.
Remarque pédagogique
Le maniement de la crosse permet de solliciter une habileté motrice intéressante.
Les bâtons doivent rester au ras du sol sous peine de devenir dangereux. Afin d'éviter de fâcheux incidents, il faut veiller à ce que l'extrémité de la crosse ne s'élève jamais au-dessus du genou. Il convient de rester vigilant ; le danger s'estompe au fur et à mesure que progresse l'habileté.
La dimension paradoxale de ce jeu qui conduit chaque pratiquant à considérer les autres tantôt comme des partenaires, tantôt comme des adversaires, ne manque pas de piquant.
Usages et coutumes
Ce jeu a connu une grande popularité au cours des siècles passés : il a été pratiqué dans de nombreux pays, notamment en Suisse, au Canada, en Écosse, en Allemagne ... On le retrouve en France, implanté dans de multiples régions, mais sous des noms différents : la «truie», la «boulade», le «gore», la «trouille», le «diaga», la «crosse-au-pot», la «balle à la crosse» ... Il apparaît en 1535, dans la liste des jeux de Gargantua : Rabelais le désigne par l'appellation «à la truye».
Ces différentes illustrations présentent quelques variations, mais on y retrouve toujours les traits fondamentaux de la logique interne du jeu : les pots, le gouret, les crosses, le rouleur, les prises des pots