La sécurité au ski : accompagner un groupe
Le ski est un sport de glisse grisant. Ce plaisir à pratiquer la vitesse s'apprend et surtout s'encadre car c'est un sport technique mais dangereux. Il est donc impératif de connaître les bonnes pratiques en amont pour assurer la sécurité des enfants et savoir agir en cas d'incident sans affoler le groupe.
Les conditions préalables
par Guy Loyrion
Le temps passé à skier doit être maximal. Les longues explications, les passages un par un des enfants pour un jeu ou un exercice, les arrêts prolongés, les démonstrations ne doivent occuper dans la séance qu'une place la plus réduite possible. La simple observation montre que le temps passé dans les files d'attente et dans les remontées mécaniques représente au moins la moitié d'une séance ; il est donc logique d'être attentif à consacrer l'autre moitié à glisser. sur un terrain adapté au niveau des enfants : un terrain trop difficile provoque des attitudes défensives, des crispations ou même des blocages qui se traduisent par un ski freiné, opposé à la glisse. Il n'est pas de progrès à attendre dans ces conditions. Au contraire, des comportements de régression, une tension physique et psychologique suppriment tout plaisir. Plus grave encore, la fatigue qui en découle peut entraîner des accidents et du dégoût. La confrontation nécessaire à de nouvelles difficultés doit donc être dosée et très progressive. Les enfants ressentent beaucoup plus tardivement la lassitude que nous éprouvons nous en tant qu'adultes en parcourant plusieurs fois les mêmes pistes. Et il n'est pas rare de voir des gamins dévaler la même pente facile des journées entières avec une jubilation évidente. À nous d'être attentifs sur le moment opportun pour aborder des terrains plus complexes.
Skier consiste à se diriger
L'objectif est de descendre une piste en choisissant l'endroit où l'on souhaite passer, en construisant sa trajectoire et en maîtrisant sa vitesse. Une grande partie de l'intérêt que nous trouvons au ski vient de là : sentir que l'on est capable d'intervenir sur cette chute grisante, de la ralentir ou de l'accélérer, d'en transformer la trajectoire tour à tour en une flèche rectiligne ou en volutes savantes. Cela nécessite un apprentissage, qui ne peut se faire sans un minimum d'expérimentation personnelle. Il ne faut donc pas hésiter à permettre aux enfants, dans un cadre clairement établi, de déterminer le chemin qu'ils veulent suivre sur la piste en imaginant d'autres cas de figure que la sacro-sainte file indienne. Pensons donc à leur demander de suivre l'adulte quand la sécurité l'impose, à proposer des situations dans lesquelles un enfant peut s'exercer à choisir son itinéraire et/ou sa vitesse, skier en sous-groupe, deux par deux en alternant le premier, seul jusqu'à un point fixé, à varier la position de l'adulte par rapport aux enfants – devant mais aussi dans le groupe, derrière, à côté, statique sur un atelier en circuit… à réduire au maximum les évolutions « à la queue leu leu ». Plus on est à la fin de la file, plus on coupe les virages, plus on skie par succession de freinages/accélérations, moins on est autonome. On voit presque systématiquement que l'enfant qui se retrouve à la dernière place est le moins habile. Les inconvénients d'être le dernier viennent donc aggraver ses difficultés. On peut s'interroger sur son degré de tension dans cette poursuite incessante et d'avance vouée à l'échec.
L'apprentissage d'un geste se fait par la pratique
Plus on est jeune et débutant plus les explications techniques et les modèles à imiter sont des moyens inadaptés d'apprentissage. Donner des tâches à réaliser, des consignes d'observation de ses sensations, définir un but concret à atteindre, favoriser les tâtonnements, les essais/erreurs sont les actes de l'animateur les plus favorables pour faire découvrir à l'enfant des gestes plus fins et mieux adaptés aux situations qu'il rencontre. C'est la confrontation à un problème concret et le résultat obtenu qui lui permettent peu à peu de déterminer le geste le plus approprié. Il est donc souhaitable de proposer des situations concrètes : franchir une bosse, tourner à un endroit précis, glisser tout droit, s'arrêter net, suivre une trace, lever un ski, déraper dans un chemin étroit, sont autant de propositions pratiques compréhensibles. Elles évitent de longs discours et concrétisent un but à atteindre. Encourager, informer l'enfant sur sa réussite lui permet de persister ou de modifier son geste pour découvrir peu à peu sa bonne réponse. Observer sa manière de résoudre le problème et modifier éventuellement la consigne. Bien sûr, s'il pose une question technique, il faut essayer dans la mesure du possible de lui répondre en restant à son niveau. Utilisez les particularités du terrain. Les grandes pentes dégagées pour faire des schuss, les bosses pour tourner dessus ou autour et pour se baisser, les neiges non damées pour les équilibres, les traversées en dévers pour l'appui sur le ski aval, les chemins étroits pour déraper, les replats pour s 'arrêter, les pentes douces pour faire de longs virages coulés, sont autant de situations facilitant des consignes brèves et claires qui limitent les explications techniques au minimum et conservent au ski son caractère ludique.
Quelques conditions à respecter pour la sécurité
Équipement
L'effort physique en montagne l'hiver «consomme» des calories : gants, bonnet, vêtements protégeant du froid et de l'humidité sont indispensables : bien vérifier leur présence. Une gourde pour la déshydratation et des en-cas peuvent être utiles dans le sac à dos de l'adulte ou dans la poche de chaque enfant. Les lunettes de soleil – le rayonnement ultraviolet est amplifié par la réverbération de la neige et à cause de l'altitude – sont nécessaires. Il faut être attentif au fait que les enfants, en particulier lorsqu'ils sont débutants, ont vite leurs vêtements mouillés. Leur système de thermorégulation est moins achevé que le nôtre : ils se défendent moins bien que nous contre le froid.
Échauffement
Le corps a besoin d'une période de mise en route progressive pour éviter tout accident musculaire et toute fatigue prématurée. Plus il fait froid, plus cette période d'échauffement est indispensable. Quelques descentes effectuées tranquillement sur des pistes faciles suffisent en général. Elles peuvent être éventuellement précédées de mouvements à l'arrêt, étirements légers, ou mieux d'un jeu sur le plat avec ou sans les skis. Il faut penser que le redémarrage après un arrêt important – longue file d'attente au téléski ou pause casse-croûte – nécessite les mêmes précautions.
Avoir – presque – toujours les enfants sous les yeux
La montagne est dangereuse, les stations sont des territoires souvent plus vastes que ceux auxquels les enfants sont habitués. Le brouillard, les longs schuss, les différences de niveau dans le groupe, les consignes imprécises pour un lieu d'arrêt favorisent des pertes encore plus désagréables pour l'enfant que pour l'adulte. Bien sûr on pourra donner plus de liberté à des adolescents et laisser aussi plus d'autonomie à un groupe d'enfants qui a bien repéré le terrain. Mais pour ne pas devenir une prise de risque supplémentaire, cette liberté doit s'accompagner de règles strictes sur le domaine (restreint) où elle peut s'exercer, sur sa durée, sur les points de rendez-vous, sur les attitudes à avoir en cas de problèmes. L'initiative de donner un espace d'autonomie doit être le résultat d'une décision d'équipe, donnant à chacun la possibilité de se positionner. Elle doit intervenir seulement après avoir repéré les dangers propres au domaine skiable, avec les enfants, et après avoir évalué que chacun d'entre eux est à même de se déplacer et de se situer dans ce domaine.
Rythme
Il est difficile de se rendre compte de la fatigue des enfants. Chaque enfant a son rythme propre qui dépend de son niveau, de ses capacités physiques etc. Le mieux est de ménager de nombreuses pauses, d'alterner des moments intenses et des moments calmes, de veiller à ne pas repartir dès que le dernier (souvent le plus faible skieur) a rejoint le groupe, de se méfier de l'émulation, de ralentir le rythme en fin de séance, de ne pas faire à tout prix la "dernière" descente qui devient alors la descente de trop.
Les lieux de stationnement
Beaucoup d'accidents impliquent des skieurs à l'arrêt. Il convient de ne pas arrêter son groupe dans un lieu de passage ou dans une portion où l'on n'est pas visible pour un skieur situé au-dessus de nous : ne pas stationner au milieu de la piste, en contrebas d'une bosse, à un croisement de deux pistes, en haut de l'arrivée d'une remontée mécanique, dans un virage. Il faut aussi imposer aux enfants de s'arrêter en-dessous du groupe pour éviter tout risque de collision.
Remontées mécaniques
- Le téléski. L'adulte doit toujours partir le dernier de manière à s'apercevoir d'une chute éventuelle d'un enfant. Cette disposition peut être négligée dans le cas d'un téléski très court. Il faut parfois s'assurer que l'arrivée au sommet se fera sans encombre et donner des points de repères sur le moment où lâcher la perche, inciter à dégager au plus vite l'aire d'arrivée. Il faut donner des consignes strictes : enlever les dragonnes, ne pas lâcher la perche en route sauf en cas de chute, dégager le passage et attendre du bon côté en cas de chute, ne pas slalomer... Avec de jeunes enfants ou avec des débutants, l'aide des employés des remontées est précieuse. ne pas hésiter à leur signaler les difficultés prévisibles des enfants.
- Le télésiège. Quand cela est possible, éviter de laisser les enfants jeunes ou débutants prendre seuls le télésiège mais s'assurer le concours d'un adulte. Donner des consignes précises, en particulier par rapport à l'abaissement et au relèvement de la barre de protection, des points de repères sur la longueur de la remontée.
- Les files d'attente. Imposer d'arriver à vitesse réduite près des queues et s'arrêter avant de s'inclure dans la file.
Matériel
- Les fixations doivent être vérifiées avant la séance, toutefois un tournevis peut rendre des services sur les pistes.
- Les crochets des chaussures doivent être serrés : c'est un facteur de sécurité et cela évite d'autre part un mauvais positionnement en arrière amenant des défauts et une fatigue accrue.
- S'ils facilitent le pivotement pour les débutants. des skis trop courts ne permettent pas une bonne accroche sur les neiges dures, compromettent l'équilibre avant/arrière et donnent un sentiment justifié d'insécurité à grande vitesse. Les skis trop longs sont rares.
- Pour les deux ou trois premières séances, au moins, les débutants n'ont pas besoin de bâtons. Veiller ensuite à les choisir adaptés – environ les 3/4 de la taille.
Organiser la sécurité
Par Daniel Coz et Christophe Rampert
Pour garantir la sécurité et le bon déroulement de l'activité, un temps de formation des animateurs est indispensable dès le début du séjour. Il peut comporter deux aspects : aller ensemble repérer le terrain et jauger les différentes difficultés. On en profitera pour un rappel des différentes règles de sécurité et de secours sur piste, on repérera le poste de secours et les éventuels endroits dangereux. Les recommandations suivantes peuvent être données moyennant une adaptation toujours nécessaire aux lieux et aux circonstances propres au séjour, à la compétence de chaque animateur.
En cas d'incident sur les pistes
Un enfant du groupe vient de tomber et ne se relève pas tout de suite. Il faut penser à la sécurité de celui qui a chuté mais aussi à celle du groupe. Mais comment faire ? Qui protéger d'abord ? Et que faire des autres ? Et si je suis loin des secours ? Pour la sécurité de tous, il faut être efficace et rassurant. Être efficace, c'est être organisé, c'est donc trouver un ordre de priorité dans l'action.
- Mettre le reste du groupe dans un lieu protégé.
- Avant de rejoindre le blessé, demander aux autres enfants de se ranger sur le bord le plus proche de la piste où vous êtes et d'y rester !
- Baliser les lieux de l'incident : ll y a de la circulation sur les pistes. alors il faut matérialiser la chute en amont, pour avertir les skieurs de passer au large en plantant ta paire de skis en croix, quelques mètres au-dessus du blessé ; la croix est un signe conventionnel de danger sur les pistes.
- Ensuite, s'occuper de l'enfant blessé.
- Le rassurer en lui demandant où il a mal, si rien n'est visible et s'il peut essayer de se relever seul. Ne jamais tenter de le relever en le tirant ou en le soulevant, cela pourrait aggraver ses blessures.
- S'il se relève seul et sans difficulté apparente, sans doute n'est-ce pas grave et après un moment il pourra rejoindre le groupe. Il faut donc être attentif à ce qu'il récupère normalement dans les minutes qui suivent sinon il faudra prévenir les secours.
- S'il ne se relève pas seul et souffre, alors il faut avertir les pisteurs. Bien le couvrir en attendant : un blessé se refroidit vite !
- Il faut avertir les secours : Pas l'accompaganteur, qui reste auprès du blessé. Ou alors utilise son téléphone portable. Appeller un skieur voire plusieurs en lui demandant d'aller à la cabane de remontées mécaniques ou au poste de secours le plus proche ou de téléphoner. Donner des informations précises : nom de la piste, n° de la balise la plus proche, localisation et gravité de la blessure, âge du blessé. Les pisteurs arriveront en quelques minutes.
Dans l'attente
- Vérifier que le reste du groupe est toujours au bord de la piste
- Parler avec l'enfant blessé pour le rassurer, pour qu'il pense à autre chose
- Etre attentif à la circulation des skieurs
- Personne ne doit toucher l`enfant en dehors des pisteurs seuls compétents
Après - L'enfant a été pris en charge par les pisteurs : où va-t-il être hospitalisé ? Il reste à retrouver le groupe, le rassurer en lui donnant des nouvelles du blessé. S'enquérir du fait s'ils encore envie de skier ou pas ? Prévenir un responsable du groupe de l'incident.
Dresser ensemble un pense-bête
Établir la liste des différents aspects dont l'animateur devra s'assurer avant le départ du groupe d'enfants. Le fait d'établir cette liste en commun permet à chacun d'être mieux convaincu de son utilité. À titre indicatif, elle peut comprendre les éléments suivants :
Pour l'animateur, penser à :
– Avoir un plan des pistes dans la poche
– Avoir une petite trousse à pharmacie avec le numéro de téléphone du centre
– S'accorder sur les horaires de départ et de retour du groupe
– Faire des recommandations en cas d'intempéries (brouillard)
– Rappeler le comportement en cas d'accident
– Avoir la liste nominative des enfants, vérifier le nombre avant le départ
– Avoir dans un sac ou une banane : un petit tournevis, une paire de gants et un bonnet de rechange, un sifflet, une gourde...
Veiller à l'équipement des enfants :
– Un bonnet
– Une paire de gants ou de moufles
– Des lunettes de soleil ou un masque
– La crème solaire et le stick à lèvres
– Un anorak et plus ou moins de vêtements dessous suivant la température extérieure
– Un pantalon chaud et imperméable. Si l'enfant porte un pantalon KWay, bien vérifier qu'il porte dessous un collant ou un pantalon
– Des chaussettes
– Vérifier le numéro ou un autre moyen d'identification du matériel distribué : skis, bâtons, chaussures – un petit truc : il suffit de noter les numéros attribués au dos du forfait nominatif
– Distribuer les forfaits pour les remontées mécaniques et les ramasser après chaque sortie s'il s'agit de forfaits de plusieurs jours
– Rappeler aux enfants le comportement à adopter, s'ils se perdent sur les pistes : le nom du centre, son numéro de téléphone