La méthode HACCP
La dénomination même de ce système de normes peut intriguer et plus, faire peur. Lorsqu’on apprend qu’il a été élaboré par la NASA, s’y ajoute un parfum de douce étrangeté. Mais c’est à une tout autre conquête de l’espace que nous convoquent ces recommandations et ces préconisations. Pour exigeantes qu’elles soient, elles ne sont pas si compliquées à suivre, avec toute la rigueur nécessaire à leur application. Même si elles paraissent pour les petites structures très difficiles à respecter scrupuleusement, elles constituent néanmoins la garantie d’une attention portée à la santé des publics et à sa prévention. Et si elles nous paraissent un rien draconiennes on ne peut aujourd’hui s’en passer.
Le système HACCP (Hazard Analysis, Critical Control Point i.e. analyse des dangers, points critiques pour leur maîtrise) est une méthode de maîtrise de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires, élaborée aux USA, à la demande de la Nasa qui voulait un programme d'élimination totale des défauts, pour garantir la sécurité alimentaire de ses astronautes.
À cette époque, la plupart des systèmes de contrôle et de sécurité alimentaire étaient fondés sur le contrôle du produit final. Pour assurer une totale sécurité des produits, il aurait fallu les tester tous et donc risquer de les détruire tous, d'où la nécessité d'un système préventif assurant la sécurité alimentaire: le système HACCP.
Déclarons la guerre aux dangers
Ils peuvent provenir de trois sources : les germes indésirables ou dangers biologiques (virus, bactéries), les substances chimiques toxiques (pesticides, additifs), les corps étrangers indésirables – bois, verre.
Quelques exemples
des détergents à proximité des zones de préparation ;
utilisation de récipients non alimentaires ;
débris d'emballages, de dégradation des locaux ;
présence d'insectes, de rongeurs ;
défaut d'hygiène du personnel : port de bijoux, protection insuffisante des cheveux ;
contact entre aliments et corps étrangers ;
mauvaise maîtrise des températures ;
humidité des locaux, évacuation insuffisante des buées ;
lavage et/ou désinfection insuffisante des végétaux crus, destinés aux préparations froides…
Les bonnes pratiques d'hygiène en restauration collective sont des mesures de base nécessaires pour assurer de bonnes conditions sanitaires environnementales tout au long de la fabrication des plats.
En avant, marche !
Selon le principe de la « marche en avant », les locaux doivent être disposés de façon à assurer une progression continue pour empêcher les contaminations croisées ; un produit ne revient pas sur ses pas.
Les zones sales comme la plonge, la légumerie ou les poubelles doivent être distinctes des zones propres – stockage, élaboration, cuisson, stockage final avant distribution. Le chaud et le froid, le propre et le sale seront dans des secteurs bien identifiés. Les volumes seront adaptés à l'effectif de convives, à la production. Les matériaux seront imputrescibles, les surfaces lisses seront facilement nettoyables, fréquemment nettoyées et désinfectées. Les fenêtres, les bouches d'aération seront équipées de protections contre les insectes, les nuisibles
Il est indispensable de prévoir des vestiaires et des installations sanitaires réservées au personnel. Les toilettes, en nombre suffisant, ne doivent pas ouvrir directement sur les locaux utilisés pour la manipulation des denrées alimentaires. Les lavabos, destinés au lavage des mains, judicieusement disposés, seront équipés d'une commande non manuelle. On y trouvera de l'eau chaude, de l'eau froide, le matériel nécessaire au lavage (savon bactéricide) et au séchage hygiénique des mains.
Plan de bataille !
Pour assurer l'organisation et l'efficacité des opérations concernant les locaux et le matériel, un plan de nettoyage et de désinfection sera mis en place. Ce document définira le matériel nécessaire, les produits à utiliser, comment les utiliser, ainsi que les précautions à prendre, les fréquences de nettoyage pour chaque local et matériel. Pour plus d'efficacité, il sera affiché et connu du personnel. Des extraits seront affichés près des zones concernées
Un planning de nettoyage définira les rôles de chacun, le moment de l'intervention et la fréquence, les produits à utiliser et les consignes à respecter. Le personnel sera formé à l'utilisation des produits et du matériel d'entretien, aux précautions d'emploi. Un plan de lutte contre les nuisibles rampants et volants sera mis en place. Ces documents seront archivés, et, en cas de contrôle, à disposition des services officiels.
Tenue de combat
Le port d'une tenue de travail complète et propre est obligatoire. Elle sera changée tous les jours, et plus, si nécessaire. Des chaussures de sécurité sont recommandées. Le lavage des mains avec un savon bactéricide, sera fait régulièrement, à chaque prise de travail, à chaque changement d'opération, à chaque sortie des toilettes, à chaque éternuement. Un examen médical est obligatoire pour l'ensemble du personnel manipulant des aliments, tous les deux ans, à l'embauche, au retour de congé maladie ou d'accident du travail.
Théâtre des opérations
Tout est en place. Il ne manque plus que les produits et les méthodes opératoires. De la réception à la consommation, l'aliment passe par toutes les étapes : réception, préparation, cuisson, conservation, présentation, consommation.
Quel accueil !
La réception des produits comportera un certain cérémonial : vérifier la propreté du véhicule de livraison, l'intégrité des emballages, la température. Chaque produit sera identifié et contrôlé.
L'agrément sanitaire du fournisseur et la marque de salubrité sur l'emballage (voir figure 1) pour les denrées d'origine animale.
Le code EMB (figure 2), sur un produit alimentaire, permet de connaître l'identité de l'emballeur ou de l'importateur, lorsque son adresse ne figure pas sur le produit. Dans le cas de sous-traitance, on trouve la mention. Fabriqué par EMB xxxxx » sur l'emballage. Les dates importantes sont à vérifier : DLC date limite de consommation ; DLUO : date limite d'utilisation optimale, parfois exprimée sous la forme « à consommer de préférence avant le... », remplacée par DDM : date de durabilité minimale. (figure 3)
Au moment de l'utilisation, on conservera les étiquettes, les emballages, les numéros de lot… Les photos, dans ce cas, simplifient le travail. L'estampille sanitaire, le code EMB, et le code barres ne peuvent être considérés comme des indicateurs fiables de l'origine d'un produit alimentaire, ils ne donnent aucune garantie sur l'origine des matières premières entrant dans la composition des aliments que nous achetons
La chaîne du froid
Respecter la chaîne du froid, c'est assurer le maintien constant des aliments réfrigérés ou surgelés à une température, positive ou négative selon le cas, conforme à la réglementation ou à leur étiquetage, et conserver ainsi leurs qualités hygiéniques, nutritionnelles et organoleptiques. Le froid limite, voire stoppe, la prolifération des micro-organismes.
Les conditions de stockage seront adaptées à chaque produit, selon sa nature, à l'abri des contaminations possibles et à la température qui lui est propre, parfois, celle recommandée par le fabricant.
Gestion des stocks : fifo, c'est peps !
En gestion, la méthode du premier entré, premier sorti, aussi désignée par son acronyme PEPS ou l'équivalent en anglais « first in, first out » ou FIFO, est employée pour désigner une méthode de gestion des stocks – et en comptabilité une méthode de valorisation d'actifs. Les produits seront sortis de leur emballage (décartonnage) et rangés dans les zones convenables : froid positif, froid négatif, ou en réserve sèche pour l'épicerie. On évitera la coexistence de produits emballés et de denrées nues. Les températures des différents stockages seront relevées aux mêmes moments – en début de journée et en milieu de service : ouverture fréquente des portes.
De la réception à la consommation, quelques prescriptions
Le déconditionnement des denrées se fera avant l'entrée en zones de préparations ; les poches et les boîtes seront nettoyées et désinfectées. Les produits végétaux seront lavés dans trois bains successifs, dont seul le deuxième comporte un désinfectant – vinaigre d'alcool. La décongélation préalable, si nécessaire, se fera à l'abri des contaminations, en enceinte réfrigérée, sous film alimentaire, avec utilisation dans les trois jours. Le début de traitement des préparations culinaires le nécessitant se fera au plus tôt la veille, avec un refroidissement rapide (de +63°C à +10°C en moins de deux heures) et un stockage à +3° maximum. Les préparations chaudes seront maintenues à une température supérieure ou égale à 63°C ou remises en température à +63°C en moins d'une heure. Les préparations froides seront sorties de l'enceinte réfrigérée au maximum deux heures avant consommation. Le stockage des produits prêts à servir se fera dans les meilleures conditions de froid.
À suivre à la trace
La traçabilité est la faculté de retrouver tout ce qui concerne un produit. La réglementation européenne oblige à cinq ans d'archivage. Devront être conservés le nom et l'adresse du fournisseur, la nature des produits fournis, la date de livraison, le numéro des lots. Les factures, les bons de livraison, les étiquettes, les codes situés sur les emballages seront conservés. On peut mettre en place des documents spécifiques.
La révolution ! Pas vraiment
Toutes ces recommandations et préconisations relèvent du bon sens pour la plupart et avec un peu de rigueur, elles ne sont pas difficiles à mettre en place.
L'apparition du système HACCP (arrêtés du 9 mai 1995 et du 29 septembre 1997) avait beaucoup effrayé les petites structures ; la note de service du 10 août 1998 avait apporté quelques précisions et demandé « d'appliquer avec discernement cet article », en l’occurrence, l'article 5, celui des principes de l'HACCP. Le système HACCP, efficace et relativement simple permet de responsabiliser les fabricants ; la responsabilité des transformateurs est beaucoup plus engagée à tous les niveaux de l'entreprise, du directeur au personnel de service en passant par le cuisinier et le personnel de restauration. Ce n'est pas une révolution, les mesures préventives existaient déjà, il suffit de les écrire, les afficher, les faire vivre.
Et en plein air…
Le secteur des loisirs et des vacances éducatives des mineurs est historiquement porté par de nombreuses associations se réclamant pour beaucoup de l'éducation populaire et certaines attachées à des collectivités territoriales. L'encadrement y est souvent assuré par de jeunes animateurs et de jeunes directeurs, volontaires ou bénévoles, ils assurent aussi la restauration dans des conditions parfois précaires avec l'aide des participants. La démarche HACCP y est difficile à appliquer.
On ne peut que conseiller aux équipes pédagogiques d'avoir recours à deux ouvrages pour la cuisine de plein air. Tout d'abord le « Spécial Directeurs », hors-série annuel élaboré par la confédération de la Jeunesse au Plein Air apporte des réponses à de nombreuses questions et même à celles qu'on ne s'était pas encore posées.
Enfin, un guide de bonnes pratiques d'hygiène Restauration collective de plein air des accueils collectifs de mineurs, réalisé également par la JPA et validé au Journal officiel du 15 octobre 2010 est disponible à la Documentation française. Il propose une approche adaptée, une compréhension plus immédiatement accessible, pour les non-professionnels de la restauration, en miniséjours, sous tente.
Cet article est issu de la revue Les cahiers de l'animation - Vacances Loisirs