Adolescences en difficulté
Le mythe d’une jeunesse éternellement mal dans sa peau, rebelle, douloureuse, est souvent une manière de désamorcer les tensions réelles qui marquent la jeunesse dans le contexte de nos sociétés. Le monde ne changerait jamais, les jeunes auraient toujours soulevé des difficultés. En les enfermant ainsi dans une sorte de destin, une ontologie négative, on se dédouane des malaises du temps présent et l’on se justifie de ne pas prendre les mesures adéquates. Attendons que « jeunesse se passe ». L’autre tentation, non moins contestable, est de promouvoir l’idée que la jeunesse va parfaitement bien aujourd’hui, que la notion de crise ou que l’ampleur des conduites à risque sont de petits phénomènes exagérés par des travailleurs sociaux, des sociologues ou des psychanalystes alarmistes. Les difficultés d’entrée dans la vie sont actuellement considérables et les détresses saillantes touchent entre 15-20 % des adolescents. Rappelons à ce propos que la plupart des conduites à risque prennent une ampleur sociologique seulement dans le courant des années 1970 : les tentatives de suicide ou le suicide des jeunes deviennent préoccupants à partir de ces années-là. Le psychiatre américain Richard Gordon rencontre son premier cas d’anorexie au début des années 1970 : « À l’idée que seulement dix ans plus tard des milliers d’étudiantes seraient engagées dans un cycle compulsif de suralimentation et de vomissements volontaires, nous aurions eu un choc » (Gordon, 1992, p. 9).
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