Dossier VEN - Où va l'éducation à la consommation ?
Présentation
Education-consommation, deux concepts distincts, opposés voire antinomiques par les valeurs qu’ils véhiculent pour penser le monde, deux piliers de notre civilisation qui pèsent chacun dans le devenir de l’humanité, deux logiques en compétition pour dominer l’autre, avec au centre, les enfants, les jeunes et les familles comme sujets à émanciper ou objets à influencer… Les questions autour de la consommation représentent un enjeu fort de société, qui traverse les valeurs de l’éducation populaire et interrogent les associations de consommateurs qui ont inclu la dimension d’éducation à leur projet.
Éduquer à la consommation peut impliquer, des choix d’existence, une philosophie de la vie et dans tous les cas, un enjeu à la fois d’adaptabilité à la réalité et de rupture avec les règles pourtant dominantes de notre société envahie par la consommation. Cet enjeu imprègne les associations éducatives plus ou moins durablement et peut fragiliser ou déstabiliser les façons de penser de leurs acteurs et leurs pratiques, parce que les interrogations soulevées renvoient à la mainmise du rapport marchand sur l’espace démocratique – ce qui n’est pas sans conséquences.
Pour aborder de telles questions de société, posture jamais simple pour un mouvement d’éducation engagé dans des pratiques pédagogiques, avec des choix éducatifs qui sont aussi des choix citoyens, les Ceméa ont choisi de le faire, dans ce dossier à plusieurs, en croisant réflexions et analyses, en les enrichissant mutuellement de regards et discours différents. Avec le Centre européen des produits de l’enfant, car les travaux de la recherche et de ses acteurs sont nécessairement complémentaires à une analyse des pratiques, et utiles à une mise en perspective d’un projet porteur de sens. Avec l’Institut national de la Consommation, car sa finalité d’intérêt général le met au carrefour des enjeux d’information et des rapports aux différents publics, et son travail de veille fournit des études précieuses pour toute action.
L’ambition de ce dossier spécial de la revue des Ceméa Vers l’Education nouvelle est donc, en proposant un retour réflexif sur les fondements idéologiques qui ont légitimé la société de consommation, en questionnant les concepts même d’éducation et de consommation, en faisant le détour par plusieurs situations en Europe et au Canada, en observant différentes mises en oeuvre sur les terrains et vers les publics, de réfléchir à la nécessité d’inventer une éducation à la consommation porteuse d’alternatives et d’en poser les premiers fondements dans une approche citoyenne globale, éthique et critique. Nous proposons ainsi de construire une éducation à la consommation dans une articu-lation étroite entre une co-éducation et une co-régulation avec les pouvoirs publics, les industriels et la société civile.
Si l’on observe aujourd’hui la complexité d’un champ comme celui des nanotechnologies qui peuvent être appliquées à une multitude de secteurs industriels, sur lesquels la méfiance entre l’Etat et les citoyens conduit à un contournement des instances de régulation habituellement pratiquées entre industriels et consommateurs, ne voit-on pas clairement posée la question d’une gouvernance nouvelle pour ces enjeux majeurs qui affecteront de multiples pans de notre vie quotidienne de consommateurs et de citoyens ? ...