Les bottes suédoises
LES BOTTES SUÉDOISES de Henning MANKELL - Poche POINTS - 08/2020 - 384 pages
...«Dans ma caravane, il n’existait aucun dieu. Peut-être rodait-il sur mon île pendant la nuit, peut-être dormirait-il dans la remise à bateaux. Mais dans la caravane, pas question. Même affamé et transi de froid, je ne l’aurai pas laissé rentré.»…
Fredrik s’est réfugié dans une vieille caravane, car il a tout perdu dans l’incendie de sa maison, même sa paire de bottes : cette maison héritée de ses grand-parents, où il s’est installé à la retraite, était construite sur une île au large Stockholm et il y coulait une vie paisible, faite de pêche et de baignades, au milieu de ses souvenirs.
A soixante dix ans, seul, loin de tout et de tous, il s’interroge alors sur le sens de cette vie, de sa vie, et sur la suite : à quoi bon ! Surtout qu’on l’accuse d’avoir mis le feu à cette vieille maison de bois et même son voisin le facteur hypocondriaque qui lui rendait visite chaque jour en bateau le soupçonne... Alors quand les assurances, puis la police et enfin la presse locale débarquent sur son îlot rocheux, il n’a qu’une envie : fuir…
Surtout que la nouvelle paire de bottes qu’il a commandé n’arrive toujours pas !
C’est le dernier roman de Hennick Mankell, décédé en 2015 ; à cette époque il se sait malade. Alors comment ne pas le voir dans ce personnage de médecin solitaire, inquiet et rempli de remords, se posant les questions existentielles d’un humain vieillissant ; qu’est ce que cette vie ? Qu’ai-je fait dans cette vie ? Ai-je bien ou mal aimé ? Où sont tous mes ami.e.s ? Et après moi ?
Mais bientôt Fredrik va rebondir ; car sa mise en accusation l’amène à enquêter sur l’incendie, ce à quoi Mankell nous a habitué tout au long de ses romans policiers avec les enquêtes du fameux inspecteur Wallander et tous ces personnages emprunts d’humanité et de défauts. Puis sa fille Louise avec laquelle il a rompu depuis si longtemps, va ressurgir dans sa vie ; et avec cette dernière, ils vont reconstruire une histoire familiale. Enfin, il va être rattrapé par le charme de Lisa, la journaliste localière qui enquête elle aussi sur les drôles de vie des habitants sur ce bord de la Baltique, ce qui va réveiller en lui des émois amoureux qu’il avait oubliés.
Car tant que la vie est là, il y a possibilité de désir et d’amour…et de haine parfois ! C’est là le message de Mankell, sur la vieillesse, la fin de vie, qui n’en est pas une, mais simplement un continuum, un autre voyage, un nouvel épisode...
Alors affronter l’hiver au bord de la Baltique, avec son froid et ses embruns dans une caravane, reconstruire son chalet et aimer une nouvelle fois à son âge et surtout être aimé : que de projets...
Fredrik le médecin, qui soigne ou surveille encore pas mal de ses congénères, va finir par lâcher le stéthoscope, car un moment il faut bien raccrocher… et se laisser vivre !
Cet ultime roman de Mankell fait suite au merveilleux « Les chaussures italiennes », écrit cinq ans plus tôt ; car avec une nouvelle paire de bottes suédoises, tout est possible !
... « J’ai beau être médecin, la mort est aussi dure, effrayante et impossible à anticiper pour moi que pour quiconque. Je ne sais si je vais mourir calmement ou au terme d’une résistance acharnée. Je ne sais absolument rien de ce qui m’attend. »