Deux chambres de mecs... en centre de vacances
Dans un centre de vacance de trente adolescents. A dix-sept ans, les fringues c'est le nerf de la séduction, la «classe». C'est aussi la possibilité de prêter pour un après-midi, une soirée, le tee-shirt, le blouson et de s'attacher des amitiés renforcées par des liens fraternels.
Pendant la préparation de ce centre de vacances, les animateurs évacuent volontairement la question de la gestion du linge des jeunes. Le degré d'autonomie de ceux-ci, leur capacité à prendre en charge et à gérer des situations laissent les animateurs confiants, Certainement que les petites questions matérielles de la vie collective seront mineures dans le vécu du centre. De ce fait, toute l'attention des animateurs se porte sur des aspects pédagogiques liés aux activités du centre et aux conditions qui conduiront les jeunes à prendre en charge le projet.
Huit jours après le début du centre, un premier constat des animateurs révèle que les deux chambres de mecs sont devenues inabordables. Les vêtements sont épars, la distinction entre propre et sale peut difficilement être faite, même par les intéressés. En creusant la question le soir au coucher, les animateurs découvrent que certains réutilisent le même caleçon depuis le premier jour du centre. Sans compter que les échanges de tee-shirts, sweats, pantalons, vont bon train. Sans avoir été lavés au préalable bien sûr, c'est plus rapide. "Je lui ai fait prendre l'air avant de le prêter". affirme un jeune.
Suite à ce constat, une réflexion s'engage dans l'équipe d'animateurs. Que connaissons-nous des jeunes, y a-t-il une solution possible? Des animateurs doivent-ils les aider? les inciter à prendre en charge le rangement et la propreté de leurs affaires? Le rôle éducatif des animateurs s'assouplit-il parce qu'ils ont à faire à de jeunes adultes? Bien sûr, ranger ses vêtements ne donne pas une image de soi très cool, cela manque de bohème. C'est trop matérialiste d'attacher de l'importance au rangement, prendre soin. C'est pas bon pour la personnalité, le look. Même si le vêtement est de marque connu il peut être passé, ce qui va conforter la confiance, c'est le fait que celui-ci sera rendu en bon état. Les animateurs ne repèrent pas très bien le chemin emprunté par tel ou tel vêtement, mais le principal, c'est que dans vingt quatre jours chacun retrouve ses effets personnels. Et puis il y a la question du choix de ces jeunes d'avoir installé ce climat dans leur chambre. Mais aussi pour les animateurs celle d'observer que tous les jeunes ne partagent peut être pas cette situation.
Par respect pour eux et aussi entre eux, le soir avant le coucher la proposition de remettre un peu d'ordre et de faire un brin de lessive est retenue pour le lendemain. La lessive collective révèle un intérêt pour ce qui touche de près l'enfant. Elle montre aux animateurs que les jeunes avaient besoin que ceux-ci leur témoignent un intérêt dans un domaine qui les touche de près; même si dans les activités des contacts privilégiés, chaleureux et vrais s'étaient installés. Au-delà des plaisanteries des jeunes sur la proposition des animateurs qualifiés de «petites mères», c'est une relation de responsabilité de prise en charge qui était inconsciemment attendu de leur part.
Dans l'équipe d'animateurs, le fait d'être interventionniste était perçu comme déresponsabilisant. Un animateur doit rester garant du bon déroulement de la vie des participants, même dans ses aspects les plus simples y compris avec de jeunes adultes. Le regard de l'animateur doit être aiguisé pour percevoir les difficultés, les aspects quotidiens négligés qui finiront par empoisonner la vie du groupe et laisser des souvenirs amers.
Article publié dans les Cahiers de l'animation - Vacances Loisirs