LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Jeux paradoxaux: les relations avant la compétition

Certains jeux traditionnels offrent un large éventail d’interactions et de stratégies possibles. Dans les jeux paradoxaux on va au-delà de la compétition excluante, en ne figeant pas les relations de partenaires et d'adversaires.
La notion de jeu «paradoxal» a été mise en évidence dès les années 70 à partir d’une approche scientifique, la sociométrie. Une méthode de mesure des relations et réactions humaines, réinterprétée sous l’angle de la motricité et qui s’appuie sur un recueil de données expérimentales.
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Concernant des jeux traditionnels : certaines relations observées dans le jeu ne correspondaient pas aux relations nouées par les participants et participantes en dehors du jeu. C’est le lieu du «je t’aime, moi non plus.» L’analyse de ces données a alors permis de définir un jeu paradoxal comme «un jeu sportif dont la logique interne entraîne des interactions motrices affectées d’ambiguïté et d’ambivalence relationnelle, et qui suscite des effets collectifs contradictoires et incohérents.» (Parlebas, 1979). Un jeu paradoxal, c’est donc un jeu où les relations sont ambivalentes : être à la fois partenaires et adversaires. Cinquante ans plus tard, les Ceméa continuent à faire référence et proposent dans leurs formations autour des jeux traditionnels et physiques des formations sur les jeux paradoxaux.

Ces jeux paradoxaux génèrent de ce fait une motivation, un plaisir et un investissement différents de ce qui est constaté dans des jeux plus classiques.

 

(Venner, 2007)

Des jeux qui font écho à la réalité des relations sociales

Ce phénomène ambivalent a été mis en évidence en dehors du jeu, dans la vie quotidienne, sous le nom de « double contrainte» (Bateson, 1956) ou d’«effet pervers » (Boudon, 1977). Dans le domaine des activités physiques, il se manifeste exclusivement dans les jeux traditionnels, jamais dans les sports classiques où les règles ne permettent pas des libertés aussi manifestes que le fait de pouvoir choisir ses partenaires et ses adversaires. Les fédérations sportives préfèrent soumettre pratiquants et pratiquantes à l’ordre prédéterminé des strictes règles sportives que de laisser libre cours à la spontanéité d’un désordre relationnel apparent.

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Concrètement, cette dimension paradoxale se manifeste par exemple dans Les trois camps (aussi appelé Poules, renards, vipères), lorsqu’en faisant des prisonniers, les joueurs et joueuses se privent des seules personnes susceptibles de les protéger : plus ils « gagnent », plus ils s’éloignent de la victoire. 

Dans les Liaisons dangereuses, les binômes qui ont été provisoirement éliminés auront besoin de faire des alliances avec d’autres binômes pour espérer revenir en jeu.

Une liberté génératrice de plaisir

Sur le plan éducatif, ces jeux invitent à se mettre à la place des autres, à deviner leurs intentions, voire à intérioriser des conduites totalement opposées. C’est le cas de L’ours et son gardien où on épouse à tour de rôle la fonction de «victime» et celle de «bourreau». Ces jeux déclenchent ainsi à profusion des phénomènes d’empathie aux tonalités contradictoires et facétieuses qui contrastent avec la routine habituelle. Ces jeux paradoxaux génèrent de ce fait une motivation, un plaisir et un investissement différents de ce qui est constaté dans des jeux plus classiques (Venner, 2007). Ils suscitent une effervescence qui provoque des émotions puissantes autour de la ruse et de l’ambiguïté, de la confiance, de la liberté et de la justice : autant d’occasions de placer les apprenants et apprenantes dans des situations authentiques au sein desquelles chacun et chacune pourra négocier et apprendre à trouver sa place, dans le cadre réglé et sécurisant du jeu. 

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Le plaisir du jeu et son aspect éducatif résident en partie dans le déchiffrement de ces intentions cachées. En favorisant également les échanges après le jeu, l’éducateur pourra favoriser la coopération en s’appuyant sur une dynamique de groupe greffée sur une dynamique motrice.

Une interview pour mieux comprendre les jeux paradoxaux

3 questions à Charline Ramaugé