Repas individualisé en accueil collectif de mineur·e·s
Ouvrez les yeux, n’imaginez plus ! En effet, tout cela est la réalité d’un accueil de loisirs à Blanzat dans le Puy de Dôme. Voici l’interview des deux responsables.
Interview d’Axel et de Delphine
Périscolaire et accueil collectif de mineur·e·s de Blanzat (Puy de Dôme)
Delphine, dès qu’elle l’a pu, a passé son BAFA (après une formation en économie sociale et familiale) puis son BPJEPS et elle travaille en tant qu’animatrice ou directrice adjointe au centre géré par la mairie de Blanzat
Axel a toujours travaillé pour la FAL 63 (fédération des associations laïques) jiusqu’à ce que le centre soit repris par la ville de Blanzat. Il est le directeur de l’accueil de loisirs des petites vcances et du mercredi.
L’accueil de loisirs accueille entre 25 et 50 enfants de 4 à 13 ans par jour, il est ouvert de 8h à 18h. L’équipe d’animation comporte 6 animateur·rice·s. Avec un accueil à la carte le mercredi et à la semaine avec repas pendant les vacances.
Qu’est-ce qui vous a poussé à mettre en place une autre organisation du temps de repas ?
Même si le projet pédagogique court pour toute l’année, il est retravaillé pour chaque période. Nous avons décidé que les enfants pouvaient arriver jusqu’à 11h30, de façon à répondre au plus près à leurs besoins.
En effet si l’accueil s’arrête à 9h30, sont-ce de vraies vacances pour eux·elles ? 25 % des enfants profitent de cette possibilité. Les enfants ne sont pas pressés, ils prennent le temps.
Mais ce qui nous interrogeait, c’est bien que le temps de midi ne semblait pas, dans notre organisation, répondre vraiment au respect du rythme de chaque enfant contrairement à ce que nous avions mis en place pour l’accueil .
Nous avons réfléchi et décidé malgré les réticences de certain·e·s (le changement, on n’aime pas ça) de mettre en place un nouveau fonctionnement qui permet aux enfants de décider de venir déjeuner dès qu’ils·elles le veulent. Les animateur·rice·s mangeaient déjà avec les enfants et on insistait sur l’importance de l’autonomie à table mais il semblait qu’ on les pressait et que le bruit était dérangeant ainsi que l’attente de ceux·celles qui avaient fini de manger avant les autres.
Comment êtes-vous passés concrètement à un autre fonctionnement ?
C’était la suite logique de ce qui existait déjà et les constats étaient minimes, mais nombreux et ils nous contrariaient. Nous avons donc décidé de tester une autre manière de concevoir cette pause méridienne sur une courte période de 4 jours. Cela avait l’avantage de n’engager à rien. De plus l’effectif favorisait cette expérimentation (25 enfants seulement). On a décidé d’essayer. L’école était dans une rue en pente, à fleur de rue et les contraintes matérielles ont rendu les choses difficiles mais cela ne nous a pas freiné le moins du monde. Axel a pris le pénible en charge. L’équipe n’a pas adhéré à ce projet d’emblée. Quand on discute on ne voit souvent que les points négatifs, le positif est passé sous silence. On se dit : « ils vont traîner dans les couloirs, est-ce que tout le monde va manger ? » Et tout le monde mange à chaque fois ! Il faut dire qu’on a mis en place un système d’étiquettes pour en être certain, et puis les animateur·rice·s sont vigilant·e·s. En effet certain·e·s enfants pourraient oublier d’y aller parce qu’ils·elles sont pris·es dans leur jeu.
On annonce à tout le monde que le restaurant ouvre à 11h30, à cette heure on rappelle qu’il est ouvert et il y a un adulte qui met en place, et depuis les vacances de la Toussaint, le projet a évolué, ce sont des enfants qui s’en occupent.
Il nous semble nécessaire de rappeler que tout ceci est la suite logique d’un projet plus vaste qui donne une place véritable d’acteurs et d’actrices aux enfants. Nous avons mis en place un conseil coopératif (lieu d’échanges, de prises de parole et de décisions en groupe) qui se réunit une fois par jour (des bons d’expression, voir ci-joint, sont à la disposition des enfants et une urne est en place pour les recevoir. Chaque jour, il y a des fonctions à remplir et un·e responsable par tâche (préparation du goûter, responsable de la ludothèque, ouverture du restaurant…)
Ça fonctionne super bien, tout le monde s’investit, chacun·e s’inscrit dans la démarche s’il, si elle le désire. Les adultes sont dans le Nous. L’équipe d’aujourd’hui est partante pour cette organisation, même s’il y a des contraintes pour chacun et chacune : comment faut-il que je me positionne , Aurais-je le temps de manger et quand ? Au début on allait manger en fonction de la répartition des enfants, mais on se connaissait et quand des nouveaux arrivaient c’était problématique, c’est pourquoi il y a désormais un planning.
En parallèle de ce temps d’une heure trente où il est possible de manger, il y a des coins d’activités et des ateliers animés par des adultes. Chaque enfant organise son temps à sa guise. On peut choisir de manger seul·e, ou avec ses frères et sœurs, avec ses copains, un·e animateur·rice.
Nous avons pris un long temps pour expliquer et vivre le processus au début du séjour et les grand·e·s accompagnent les plus petit·e·s. On incite les enfants ( nous nous contentons de les inciter) pour qu’ils aillent manger plus tôt (selon le rythme de chacun et chacune). On les connaît bien et on apporte de l’attention à leur gestion de ce temps de midi.
N’est-ce pas un fonctionnement qui peut aggraver l’exclusion des enfants déjà en difficulté ?
Nous ne le pensons pas, la présence des adultes est une présence active, dans une démarche permanente d’accompagnement, il y a une aide apportée aux enfants qui pourraient se retrouver dans une solitude non choisie. Les enfants sont autonomes , mais jamais tous·toutes seul·e·s. Ils·elles ne sont pas livré·e·s à eux·elles-mêmes.
Que reste-t-il à améliorer ?
Le problème principal c’est la question des ateliers, il n’est en effet pas facile d’en trouver et d’en proposer qui conviennent à la situation initiée par ce fonctionnement (où ce ne sont jamais les mêmes enfants présent·e·s). C’est ce qui fait débat, il serait bon qu’ils durent toute la semaine (un projet d’animation à épisodes), mais même si on respecte cet aspect, le résultat reste souvent au niveau d’une succession d’activités qui occupent, ce qui va à l’encontre de nos valeurs et de ce qu’on défend dans le concret de notre projet. Comment améliorer ce point faible ? La mise en place de coins pourrait être une solution satisfaisante. Les enfants ont proposé des choses dans le conseil qu’il faut qu’on étudie. Les jours où on accueille moins d’enfants, les choses sont plus simples.
Avez-vous des retours ?
Les enfants sont unanimes pour plébisciter ce fonctionnement. Les parents semblent d’accord mais sans plus. Il y a aussi l’exemple d’un enfant qui chez lui voulait reproduire ce qu’il vivait au centre, il faut dire que pour les petit·e·s c’est hyper confortable et très appréciable, ils·elles sont aussi très satisfait·e·s du self. On nous a opposé l’argument que c’était moins convivial de manger comme cela et que le self ne favorisait pas la relation. Mais nous ne sommes pas d’accord avec ce reproche, la convivialité est la même mais en plus petits groupes, chacun et chacune a sa stratégie, comme lors des petits déjeuners en séjour de vacances. C’est une autre façon de faire. Mais les apprentissages se font, l’équipe d’animation y veille. C’est moins bruyant et le rythme est mieux respecté. On est obligés de fixer une heure de fin mais si elle est dépassée, on les laisse finir avec la personne de service qui est présente.
On a aussi constaté que c’est plus calme. Ce sont vraiment des vacances. On est dans la détente, chacun prend son temps, fonctionne à son rythme. C’est le projet global qu’on mène sur le centre depuis quelques années qui conduit à ce que ce système fonctionne. Il y a à tous les moments un réel travail sur l’autonomie. On a totalement confiance en les enfants. Ils sont acteurs et actrices de la réussite de notre démarche.
Le mercredi c’est différent, en raison d’un manque d’encadrement, on mange tous et toutes ensemble, ce qui crée une déception chez les enfants (ils nous le disent en conseil), il va falloir réfléchir pour mettre en place quelque chose se rapprochant du fonctionnement des vacances.
Le hic c’est que le périscolaire ne fonctionne pas de la même façon mais selon un schéma plus classique. Pour les enfants qui vivent les deux organisations, cette différence les perturbe. Il faut sans cesse leur rappeler comment ça marche. Mais même si la continuité éducative paraît malmenée, il faut bien reconnaître que les enfants s’adaptent très bien et qu’ils sont en définitive archi manipulables, modelables. C’est un constat qui fait réfléchir indubitablement !