Bienvenus en France ?

La rue Notre Équipe mobile psychiatrie-précarité (empp) a pour mission de s’occuper de personnes sans domicile fixe et en hébergement d’urgence, et de faire le lien entre ces structures et celles de la psychiatrie publique. Dès la création de l’équipe, nous avons été surpris par le grand nombre de demandeurs d’asile pris en charge uniquement par le filet social s’adressant aux plus démunis. Au début des années 2000, il n’existait que peu de places en cada en Haute-Normandie. En 2013, malgré plusieurs centaines de places créées, nous rencontrons toujours autant de demandeurs d’asile en centre d’hébergement d’urgence, quand ils y arrivent enfin. Car, en effet, la plupart des primo-arrivants (hommes seuls surtout) demeurent littéralement à la rue, restant des mois durant dans le système (plus précaire que l’ancien) du 115, autorisant environ deux nuits par semaine en structure d’hébergement. Ils se réfugient donc dans la salle d’attente des urgences de l’hôpital, qui les tolère, de mauvaise grâce, pour la plupart de leurs nuits. Ces patients passent évidemment leur nouvelle vie à être épuisés et insécurisés. Les empp sont bien placées pour dire que la grande précarité, ne permettant ni le repos ni la sécurité, est productrice de souffrance psychique et d’effets traumatiques qui font que la vie d’après, si elle se présente, y compris quand les conditions matérielles s’améliorent, en reste fortement imprégnée. La clinique de l’errance extrême est marquée par l’attaque du sentiment de continuité de l’existence, par la méfiance et l’inconfiance fondamentale en l’avenir, en l’autre, en soi, et la possible « fascination » après coup pour la dépersonnalisation de survie, cette expérience après coup quasiment incroyable pour le sujet lui-même.