Quelle place pour un directeur dans nos institutions «modernisées» ?

« L’autorité reposait sur une fondation dans le passé qui lui tenait lieu de constante pierre angulaire, donnait au monde la permanence et le caractère durable dont les êtres humains ont besoin précisément parce qu’ils sont des mortels [...] Sa perte équivaut à la perte des assises du monde. »

Hannah Arendt, Qu’est-ce que l’autorité ?, 1954

Depuis plusieurs mois, cette institution fonctionne sans directeur, et cela n’est pas sans provoquer des effets dans les pratiques. Interpellant l’association gestionnaire sur ce dysfonctionnement, les réponses n’ont pas tardé à nous parvenir : il sera mis en place, tôt ou tard, une nouvelle organisation. L’idée maîtresse de cette « restructuration » est de procéder à l’éclatement de cette fonction en deux tâches administratives bien distinctes : d’une part, un directeur territorial ayant en charge toutes les institutions du département sera nommé, et d’autre part, un responsable des ressources humaines conduira conjointement les évaluations annuelles des salariés.

Cette nouvelle conception du travail social semble être plus en vogue avec les nouveaux signifiants maîtres de la modernité, en faisant explicitement la promotion d’un système évaluatif généralisé. À défaut d’avoir sur place un directeur susceptible de travailler directement avec les équipes pluridisciplinaires, nous allons être référés à une haute hiérarchie supposée nous évaluer à distance à l’aide d’un nouveau référentiel promu par notre association. Cette reconfiguration du travail répond plus à une injonction de « modernisation » des institutions, orientée par une logique utilitaire, qu’à une démarche d’ouverture clinique des pratiques.

La proposition de ce dispositif a suscité bien des réflexions autour de la fonction d’un directeur. Qu’est-ce qu’un directeur ? Qu’est-ce que l’autorité ? En quoi cette fonction est-elle indispensable au « bon fonctionnement » du collectif ? (…)