Humain et solidarité comme piliers de développement
A Nantes, une association distribue des denrées alimentaires sans condition, en s’approvisionnant auprès des marchés et des commerces. Son fondateur et actuellement président nous raconte le fonctionnement et son action auprès des différents publics.
Yakamédia - Comment est née Tinhï Kmou?
T. K. - Au retour du marché ma fille m’a demandé pourquoi nous ne récupérons pas toute cette nourriture qui part à la poubelle pour la donner à ceux qui en ont besoin. J’ai adoré cette idée et j’ai décidé d’y aller. La semaine suivante je suis retourné au marché avec une camionnette et j’ai récupéré de la nourriture, puis je l’ai distribuée. J’ai aimé faire ça, l’échange avec les gens, la solidarité, les rencontres, je ne voulais plus m’arrêter, je faisais ça tous les samedis. Au fur et mesure nous avons commencé à nous faire connaître, à avoir de plus en plus de partenaires.
En 2020, avec le premier confinement, beaucoup de grossistes m’ont contacté pour récupérer les invendus et grâce à de nombreux jeunes bénévoles nous avons distribué 80 000 repas en deux mois. Face à la quantité de nourriture à récupérer et aux besoins des populations, nous étions presque la seule association à rester ouverte, nous avons dû nous procurer un local.
Y - Que faites-vous ?
T. K. - L’association ramasse les produits à la fin de chacun des trois marchés hebdomadaires afin de redistribuer les denrées. Pour le reste, nous compostons et nous le déposons à la déchetterie. C’est donc une action qui permet à la ville de faire des économies pour la gestion des déchets et du compost ; la gestion des déchets organiques sur un marché coûte mensuellement 25 000 € à la ville.
Notre secrétaire Aïcha, joue un rôle administratif et politique ; elle est chargée de faire remonter les difficultés que nous rencontrons et de défendre notre place dans le secteur associatif, du développement durable et de l’économie sociale et solidaire. Notre action se concentre sur la montée de la précarité, le gaspillage, le réchauffement climatique, et le besoin d’accompagnement et de lien social.
Y - Quelles sont les particularités de l’association ?
T. K. - Le défi de Tinhï Kmou, était aussi de savoir comment sauver les produits et de mélanger toutes les classes sociales. Peu importe qui vient les prendre. Au départ on m’a dit que cela ne fonctionnerait pas comme idée, qu’il fallait vendre mais je tenais à la gratuité et à la mixité. La vraie originalité de Tinhï Kmou, qui nous porte préjudice mais à laquelle nous tenons fermement, c’est notre origine – Alain Taha est né en Côte d’Ivoire. Nous sommes pris pour une association communautaire car nous venons de l’immigration, de la précarité et cela surprend que nous nous préoccupions de l’avenir de notre planète. Mais pour nous l’humain et la solidarité sont des piliers qui peuvent servir les développements durables grâce à une économie sociale et solidaire.
Y - Quels publics rencontrez-vous ?
T. K. - Tinhï Kmou est fréquenté par des personnes exilées, migrantes mais aussi par de « nouveaux pauvres » qui travaillent mais dont le revenu est tout petit car ils n’ont pas de droits sociaux. Nous accueillons aussi des personnes sans domicile fixe, vivant en centre d’hébergement ou non. Nous n’avons pas de convention avec les CHRS1 mais nous distribuons des repas pour les résidents. Soixante à 70 % des personnes viennent de quartiers populaires, 80% vivent dans la misère sociale française et 20 % sont des migrants/exilés. Nous avons fait une enquête pour que les usagers de l’association puissent témoigner de l’impact de Tinhï Kmou dans leur quotidien. Nous avons recueilli des témoignages de personnes qui peuvent partir en vacances car ils font moins de courses grâce à la récupération de produits alimentaires. De plus, les personnes sont heureuses de pouvoir cuisiner et d’avoir le frigo plein.
- Centre d’hébergement et de réinsertion sociale
Association de Solidarité et de lutte contre le gaspillage alimentaire créé en 2017 à Nantes, ce collectif est encore à la recherche de financements et de reconnaissance par les pouvoirs publics. « Nous aimerions, au-delà de l’aspect financier, avoir la reconnaissance de nos actions. Nous militons et mettons tout en œuvre dans ce projet pour une économie sociale et solidaire, pour le développement durable et la solidarité » Alain Tahar