Comment réussir l’inclusion numérique des personnes en situation d’illettrisme ?

L’utilisation des services en ligne fait désormais partie des gestes courants de la vie quotidienne. Or, ces services en ligne ne sont pas à la portée de tous : le numérique accorde une place prépondérante à l’écrit en exigeant de tout utilisateur qu’il sache lire, écrire, compter. Pour les 2 500 000 personnes concernées par l’illettrisme dans notre pays, cette tendance peut générer de nouvelles formes d’exclusion ou d’inégalités. La maîtrise des compétences de base constitue donc la première marche indispensable qui ouvre l’accès à l’utilisation des outils numériques.

Six actions concrètes

Ce kit pratique propose un panorama de six actions, sur les trois thèmes suivants :

• l’accès aux services publics dématérialisés (CAF, ameli.fr, SNCF, etc.) ;
• le développement des compétences de base permettant l’usage des outils numériques ;
• le recours au numérique dans les formations aux savoirs fondamentaux.

• Interroger le phénomène de la dématérialisation

« Il ne s’agit pas d’aller vers le rejet des services en ligne, mais de les questionner, afin que soient pris en compte les aspects sociaux, culturels, financiers de leur développement. La prise en compte des publics, des usagers de ces services, ne sont pas des questions de second plan ; au contraire, le destinataire du service doit être placé au cœur de la réflexion informatique et gestionnaire ; osons même penser que ce sont les personnes les plus en difficulté qui, probablement, doivent être prioritaires dans la conception et la gestion des services “dématérialisés”, afin que le numérique participe pleinement à l’émergence d’une société plus solidaire. » (page 13 du kit complet)

• Réaliser des ressources numériques pour la formation

« La ressource numérique une fois réalisée, quelle que soit la qualité de ses objectifs et de sa réalisation, ne peut se suffire à elle-même ; elle doit être intégrée dans un dispositif de formation et il y a donc nécessité de penser et de définir un scénario pédagogique de la formation ; la mise en œuvre de la ressource pédagogique numérique réclame la définition d’un scénario pédagogique. » (page 21 du kit complet)

• Mesurer l’impact de la fracture numérique sur l’insertion sociale et professionnelle

« La culture numérique est complexe et ne se transmet pas en quelques séances : il y a la navigation sur les sites Web, les logiques de la recherche sur Internet, la gestion des ressources textuelles sonores et visuelles, et tout le champ de la communication, des réseaux et de la création numérique. Il n’y a pas que l’ordinateur à installer et allumer, il y a les logiciels à utiliser, les stratégies de recherche d’information et les codes de la communication à acquérir. » (page 25 du kit complet)

• Valoriser les pratiques personnelles des outils numériques

« Il faut systématiquement partir de la réalité d’usage qui permet à la fois de mettre le stagiaire en confiance et de bénéficier du volume de connaissances et expériences qu’il a acquis [dans l’appropriation des différents outils]. » (page 30 du kit complet)

Trois préconisations

Si l’inclusion numérique est bien sûr une affaire de formation des personnes concernées, elle relève aussi de la responsabilité d’autres acteurs, et les participants aux ateliers de ce forum ont formulé trois préconisations à leur destination :

• pour les responsables des systèmes informatiques : « il serait important d’introduire dans la formation initiale et continue de ces professionnels des modules de formation posant la question des publics en difficulté avec la compétence numérique comme avec d’autres problèmes communicationnels. La prise en compte de l’usager dans sa diversité concrète, et non pas comme une entité abstraite, doit être un axe prioritaire de la formation des concepteurs et gestionnaires des systèmes d’information. »
• Pour les professionnels en contact avec les publics par l’intermédiaire de services numériques : il est essentiel qu’ils soient « sensibilisésaux problèmes des personnes qui n’ont pas les compétences de base nécessaires à une pratique utile des environnements numériques proposés ».
• Pour les organismes associatif, administratif, commercial ou culturel recevant du public et mettant à disposition des équipements informatiques pour l’accès à des services en ligne : leur demander de mettre en place « une politique d’accueil de tous les publics, et en particulier des personnes en difficulté avec les compétences de base et la maitrise de la compétence numérique. Un engagement d’accueil doit être explicitement défini, mis en œuvre et évalué régulièrement. »

Deux convictions

Deux convictions fortes émergent de tous les travaux de cet atelier :

• S’il ne s’agit pas de contraindre les personnes à s’adapter à toute force à de nouvelles technologies dont elles se passaient jusqu’à présent, leur proposer la possibilité de gagner en autonomie avec ces outils est une façon de les respecter.
  « S’adapter au monde tel qu’il est n’est pas seulement un objectif utilitaire, c’est plus profondément être en accord avec les autres et donc avec soi-même. »
• Le recours à la communication numérique n’est pas forcément synonyme de déshumanisation : 
  « On sait combien l’accompagnement humain est nécessaire pour acquérir un accès autonome aux services dématérialisés, en premier lieu aux droits via les services publics numériques. »