Quad 9 newlook en Acéhem
Image par Raphaël Jeanneret de Pixabay
Le « quoi de neuf » classique, qui traditionnellement (c’est extra parfois, la tradition !) ouvre le temps où un groupe se retrouve, est souvent problématique à instituer dans l’exercice d’un accueil périscolaire ou même d’un accueil de loisirs où très souvent (et c’est là aussi une excellente chose) le public a la possibilité d’arriver dans une large fourchette horaire.
Et quand le groupe est complet, certain·e·s viennent de le rejoindre et d’autres sont déjà là depuis longtemps et cela fausse l’authenticité de ce qu’il·e lle·s pourraient dire dans un « quoi de neuf » classique. Il s’agit alors de réfléchir à une autre forme, qui peu ou prou s’apparente à une activité autour de l’écriture.
En voilà un échantillon.
C’est une idée de lancement de journée, un quoi d’neuf particulier qui ne dit pas son nom (c’est aussi une activité autour le d’écriture, de l’image, des mots), qui thésaurise ce qui est écrit, en garde l’intégralité et se fait le héraut fidèle des épisodes successifs qui finissent par le constituer. Pour les puristes, il ne peut s’agir véritablement d’un quoi de neuf. Plutôt d’une adaptation nécessaire.
Rappelons pour mémoire que le quoi de neuf est un outil élaboré par Célestin Freinet, développé au sein de l’ICEM Pédagogie Freinet. Il est repris par tous les mouvements d’éducation nouvelle et dans nombre de lieux d’éducation (à l’école et dans l’animation) et ouvre pour un groupe et ses participants quand ils se retrouvent, un espace institué afin de pouvoir socialiser, mutualiser par la parole tout ou partie de ce qui s’est passé pour chaque personne depuis la dernière fois où le groupe a été réuni.
Une particularité qui nécessite d’adapter les règles...
En ce qui concerne le temps périscolaire, il y a irrégularité de la temporalité des retrouvailles, le lundi matin (trois nuits et deux jours), le mardi matin (une nuit), le jeudi matin (deux nuits et un jour), le vendredi matin (une nuit), et comme les arrivées s’échelonnent il va falloir trouver une modalité de déclinaison de l’action qui prenne en compte cette individualisation de l’adresse à l’autre.
Le groupe n’existe en entier que lorsque sa dernière composante est arrivée. On est dans un autre mode de relation. La parole se mue en écriture qui la fait durer. On peut aussi réfléchir à un vidéomaton avec un temps de parole très court, ou un enregistrement audio.
En tout état de cause, il s’agira de décider ensemble (adultes et enfants) du sens, des objectifs ainsi que de l’organisation matérielle et spatiale de cette démarche.
C’est un projet de longue haleine et collectif (avec un volontariat dans la participation) semblable à d’autres projets possibles (fresque, jardin, construction de marionnettes puis mise en jeu...) dans ce type d’accueil dont la particularité (accueil sur un temps court et morcelé) contraint trop souvent à des activités courtes et interdit l’émergence de projets dignes de ce nom.
...et en modifie le sens
ll s’agit de réfléchir à l’installation d’un rituel avec comme porte d’entrée un temps d’activité lié aux mots, à l’écriture et qui accumule de la matière mémoire par amas de bribes de quotidien ajoutées patiemment jour après jour et qui au mois de juin fait texte qui tisse ou coud le journal d’un voyage immobile, témoin à la fois bruyant et silencieux d’une année déroulée mois après mois, semaine après semaine, jour après jour, heure après heure, minute après minute, seconde après seconde qui s’ajoutant patiemment et inexorablement finissent par dessiner une année scolaire ou une période de vacances.
C’est un pari ambitieux mais qu’il est intéressant de tenter, un défi de grande ampleur à relever, et qui ne demande ni budget ni compétence particuliers. Juste de la suite dans les idées et une ténacité à toutes épreuves.
Regardons de plus près un exemple de démarche possible.
Chaque matin pendant le temps d’accueil mise en place d’un coin d’écriture, de gribrouillons, de gribouillis d’idées, de souvenirs de la soirée, de la nuit passées, avec à chaque fois un process d’entame différent, une entrée en matière nouvelle, une accroche facilitatrice, un déclencheur commun à tout le monde, une proposition fédératrice et rassurante qui engage le public accueilli à prendre la plume et la parole ( cette démarche nécessite la présence constante d’un adulte qui impulse, accompagne, rappelle les règles, et note les dits de celles et ceux qui ne veulent, ne peuvent ou ne savent pas encore écrire).
Il faudra veiller à ce que chaque enfant ait connaissance de ce que ceux et celles qui l’ont précédé.e ont écrit (une affiche posée à plat peut faire l’affaire, ou une lecture de l’animateur.rice). Les adultes présent.e.s participent à l’aventure. À chaque équipe d’encadrement de fixer les contraintes, de donner les consignes, de poser les limites, d’imposer une censure ou non (selon sa perception du groupe et sa connaissance de chaque enfant).
Des pousse à écrire très divers
- Ce peut être un refrain qu’il faudra reprendre à chaque nouvelle idée, un refrain par jour
cette nuit j’ai rêvé...
hier soir...
pendant le repas…
au p’tit déj j’ai mangé...
j’ai lu...
on m’a raconté…
je me souviens…
j’ai eu peur…
ça m’a fait rire…
j’ai joué…
j’ai regardé…
j’ai vu…
mon frère, ma soeur…
je pense à...
- Ce peut être un mot quelconque qui permet de rebondir...
soleil, film, glace, noël, crêpe, nuage ou tout autre vocable en lien avec le temps qu’il fait, la période, la saison, un événement survenu, un élément du décor…
- Ce peut-être une photographie, un dessin, une image à commenter, qui évoque…
- Ce peut être un objet (usuel, habituel, insolite…) posé et offert aux regards, objet qu’on peut décrire, qui inspire un sentiment, une réaction, une remarque, un commentaire…
- Ce peut être un son, une musique, des onomatopées, une conversation, une chanson… qui font revenir les souvenirs…
- Ce peut être aussi n’importe quoi d’autre, du moment que l’inducteur choisi permet à chacun et chacune de verbaliser ce qu’il veut dire.
Une concaténation qui fait mémoire, qui fait histoire...
À la fin du temps d’accueil, juste avant de partir à l’école, il suffit de prendre 2 ou 3 minutes pour lire la totalité de ce qui s’est écrit, afin que les premier.ère.s arrivé.e.s aient l’occasion d’entendre l’expression de leurs copains et copines. Si le support est une affiche, il faut veiller à ce qu’elle soit visible et accessible tout le temps de l’accueil.
Et les jours se succédant (très rapprochés sur une année si c’est un accueil périscolaire, tous les mercredis en ce qui concerne un ACM de septembre à juin, enfin sur 5, 10, 15 jours ou plus s’il s’agit d’un séjour ou d’un ACM pendant les vacances), les écrits de chaque jour viennent rejoindre la pile et peu à peu constituer un carnet de bord qu’il faudra mettre en forme afin que demeurent les mots et que les papiers ne partent pas à la poubelle. Le mode de valorisation appartient à chaque équipe; la mise en forme (c’est une activité proposée à chaque fois) peut se faire au fil du temps ou à la toute fin mais s’il est un impératif à ne pas esquiver, c’est bien celui de permettre aux enfants d’y prendre part.
...ou à chaque jour suffit sa peine
il est aussi possible de ne proposer cette démarche que de temps en temps, chaque nouvelle production constituant alors un tout et non partie d’une œuvre (dans le sens d’ouvrage, de réalisation) unique qui a sa vie propre.
En tout état de cause, que cette démarche soit une déclinaison du « quoi de neuf » ou pas, il n’en reste pas moins qu’elle est un des possibles qui permet aux accueils collectifs de mineur.e.s et à leurs équipes d’encadrement de proposer du neuf pleinement ancré dans une conception des loisirs qui s’appuie sur les valeurs d’une éducation qui laisse toute sa place aux enfants dans le présent de leur grandir.