Sports collectifs : adapter les règles pour n’exclure personne
Dans les fédérations sportives, les très compétitifs sports collectifs excluent du plaisir du jeu ceux et celles qui n’ont pas les compétences physiques. Une association grenobloise a entrepris de proposer des pratiques sportives inclusives. Sur le terrain, les équipes sont hétérogènes et le plaisir, autant que la rencontre, au rendez-vous.
Quatre questions à Clément Borel
Éducateur sportif à l'association les Big Bang Ballers, en charge de la démarche Clubs accueillants et in'games.
Qu’est-ce qu’une pratique inclusive de sport collectif?
Nombreuses sont les personnes qui n’osent pas rejoindre un terrain de foot, de basket, de rugby ou de hand et s’excluent spontanément d’une pratique collective car elles ont peur des différences de niveaux, du regard des autres ou du côté trop compétitif. Le but est de permettre à des personnes qui ne se seraient jamais croisées sur un terrain de sport de se rencontrer et de jouer ensemble dans un cadre bienveillant. Ainsi, se retrouveront, sur un même terrain, des personnes en situation de handicap, physique ou psychique, des athlètes, des jeunes, des personnes plus âgées, des gens du quartier, des personnes en situation d’exil, des filles et des garçons. Autant de rencontres humainement riches. Quand on prend du plaisir ensemble, quand on s’amuse, cela crée des liens qui vivent au-delà du temps de la rencontre sportive.
Comment cela se traduit-il concrètement?
On peut décider que les paniers d’un joueur de basket valent doubles durant un temps pour compenser le fait qu’il ait peu marqué depuis le début du jeu ou qu’une personne moins mobile ait le droit de conserver le ballon plus longtemps que les autres.
Changer les règles, c’est les adapter au niveau ou aux capacités de chacun. On peut aussi adapter la taille du terrain, la durée d’un match ou l’impact de chaque joueur sur le score pour que l’équipe n’ait pas intérêt à ce que ce soit toujours le plus fort qui marque. Au-delà des règles du jeu, amener à une pratique du sport de manière inclusive, c'est tout d’abord une question de posture, que ce soit des pratiquants ou des encadrants. En effet, chacun doit être attentif et bienveillant avec les autres, le but n’étant pas forcément de surpasser l’adversaire, mais que chacun puisse s’exprimer par le sport sans être frustré.
Ne risque-t-on pas de perdre le plaisir du jeu, de la gagne?
Au contraire ! Se recentrer sur le jeu et le plaisir de la pratique évite les dérives sur-compétitives. Les équipes de niveaux différents s’affrontent bel et bien dans l’objectif de gagner la partie. Et je peux vous dire que public et joueurs s’en donnent à cœur joie ! Ça crie, ça s’interpelle, il y a énormément d’interactions et de suspense. Ces règles permettent de partager le plaisir de la gagne en donnant les mêmes chances de contribuer à la victoire de son équipe à chaque joueur.
Comment mettre ces règles en place ?
De deux manières. Dans le cas où le groupe est en autonomie, les pratiquants devront s’accorder pour choisir les règles à appliquer en décidant dès le début de la mise en place de rôles en fonction des capacités de chacun : ainsi plus on a de difficultés, plus on a de « pouvoirs ». La pratique pourra se dérouler en plusieurs phases, après lesquelles, le groupe pourra discuter et débattre de la nécessité d’ajouter ou d’enlever des règles parce qu’elles ne fonctionnent pas ou parce qu’elles sont ennuyeuses. Dans le cas d’une activité basket inclusive, si le groupe identifie qu’une personne ne peut pas s’exprimer, car elle a du mal à contrôler le ballon sous la pression de l’adversaire, il pourra être décidé ensemble de toujours laisser au moins un mètre d’espace lorsque l’on défend cette personne. Dans le second cas, le groupe est encadré par un animateur qui fait évoluer les règles afin que chacun puisse s’épanouir dans la pratique. S'il remarque que les équipes ne sont pas équilibrées, il pourra les remanier. Il peut également décider de donner un avantage à un joueur pendant un temps court.