Comme cela se passe si souvent et si conventionnellement, l’auteur, Akli Tadjer, devait participer à une rencontre avec une classe de lycée autour de son livre, Le porteur de cartable. Mais, désemparée, la professeure qui organisait ce moment lui envoie un mail pour l’avertir que certains élèves ont refusé de lire son roman, car le héros s’appelle Messaoud. L’écrivain s’interroge alors sur « ce qui a poussé ces jeunes de la France silencieuse à se montrer soudain si hostiles, si haineux… » Il décide d’aller à leur rencontre et pose d’entrée cette question : « Qui n’est pas raciste, ici ? » Une question qui deviendra le titre de cet essai racontant ce moment d’échange avec ces lycéens. Akli Tadjer raconte et nous fait découvrir ces jeunes à travers leurs réactions, leurs attitudes, leurs arguments et les relations qui au fil du dialogue se construisent. Mais il nous parle également de lui, nous faisant partager ses impressions durant ces échanges complexes et riches. Des perceptions qui l’amènent à s’interroger, à se replonger dans ses souvenirs et à nous faire partager ses réflexions. Le grand intérêt de ce texte est de n’être ni moraliste, ni donneur de leçons. Il ne verse pas dans le politiquement correct et n’élude pas les questions glissantes comme celles liées aux dérives religieuses ou à l’exclusion dans toutes ses composantes. C’est une véritable réflexion humaniste sur les raisons qui peuvent amener des jeunes à ce rejet assumé de l’autre et à cette violence.

L’auteur sait que la capacité à haïr n’est pas l’apanage de certains individus ou groupes sociaux, mais que chacun en est porteur : « Nous avons tous en nous la capacité de haïr les autres mais nous avons aussi celle d’aller vers eux. » Cela amène à une introspection, qui pose des interrogations de manière globale sur le lien individu et société. Avec un style vivant et pétillant, Qui n’est pas raciste ici ? est un essai plongeant avec intelligence et finesse le lecteur dans une réflexion sur le rejet de l’autre, qui dépasse le constat, les imprécations ou les solutions toutes faites.

Vers l'Education nouvelle (n°576, octobre 2019)