« Il fallait redonner l’envie de sortir aux enfants et ados, mais aussi de prendre des risques après cette période où ils avaient vécu non-stop sous le regard de leurs parents. »
Un terrain d'aventures à Dieppe au foyer Duquesne
« Qui veut nous aider ? C’est lourd ! » Gwen, un des cinq animateurs sur le terrain d’aventures, observe la scène sans bouger et voit Emma, occupée à scier une branche de bois mort lâcher son outil pour aller récupérer un chariot bricolé avec des roues de landau. C’était la solution, voilà la botte déposée sur une palette à l’entrée du tipi.
De l'habitant à l'agent de la ville : tout le monde s'investit sur le terrain d'aventures
Pour la troisième année consécutive, ce terrain d’aventures accueille des enfants et des jeunes sans conditions. Parfois des parents accompagnent les enfants, les laissent à leurs jeux, bricolent avec eux ou improvisent une partie de cartes autour d’un thé. « On propose de rester dormir. Mais pas plus de neuf personnes à la fois », précise Gwen. « Ce soir c’est mon tour », clame Lucas. Dormir à la belle étoile à deux pas de chez soi, un événement peu ordinaire que Nina, 32 ans, se réjouit de partager cette nuit avec son fils qui souffre d’un handicap moteur. « Il m’a déjà demandé de passer la nuit ici sans moi demain. Pourquoi pas, mais je veux voir comment ça va se passer... Ça va être rigolo de faire une veillée ensemble. » Ici, entre 10 et 15% des enfants sont reconnus en situation de handicap, « avec une surreprésentation d’hyperactifs, explique l’animateur. Le jeu libre donne une place à ceux qui sont en difficulté ailleurs car il n’impose pas de rythme. Au départ, ils sont un peu perdus. Puis ils sont à fond. »
C’est à la sortie du confinement que le foyer Duquesne a relancé ce terrain d’aventures qui avait ouvert dans les années 80. « Quand je suis retombé sur les archives, explique Alexis Douala Moudoumbou, le directeur du foyer, je me suis rendu compte que c’était la réponse adaptée. Il fallait redonner l’envie de sortir aux enfants et ados, mais aussi de prendre des risques après cette période où ils avaient vécu non-stop sous le regard de leurs parents. » Un idée pertinente aussi pour ce centre qui n’a pas vocation à créer des projets mais plutôt à mettre en lien des intervenants socio-éducatifs et de créer de la complémentarité. « Cette année, quinze partenaires se sont impliqués sur toute la ville : éducateurs, animateurs, artistes, agents de la ville, culturels, épiceries sociales et solidaires, bailleurs. Ça devient presque un projet de territoire qui s’inscrit dans une volonté politique de ce que l’on veut pour la jeunesse. »
Et les habitants ne sont pas en reste. Autour de l’établi où sont accrochés scies, marteaux, perceuses et tout ce qu’il faut pour trouer, poncer clouer et attacher, quatre habitants du quartier font passer les « permis outils » aux enfants comme aux adultes. « Un permis, ça permet », résume Julie, la trentaine, qui avait déjà fréquenté le terrain l’an dernier et avait appris à manier la perceuse. Il est bientôt 22 heures, le terrain va fermer, sauf pour celles et ceux qui vont dormir là. Gwen prépare avec des ados la table de feu, une technique venue de Polynésie qui permet de faire du feu sans abîmer l’environnement en recréant un sol surélevé. « Les terrains d’aventures sont des moments pour la relation parents-enfants, conclut le directeur. Ils ont peu l’occasion de vivre quelque chose sans programme, sans résultat, juste pour le plaisir. C’est un temps que les enfants adorent. »