« Le véritable enjeu est une transition écologique juste socialement »
L’écologie est un sujet d’actualité, comment peut-il être lié au travail social ?
Les Ceméa sont un mouvement qui a aujourd’hui 80 ans et qui s’est construit sur les principes d’éducation nouvelle. Dans l’éducation nouvelle il y a un fondamental, qui est très fort, c’est le rapport au milieu et à l’environnement. Dans les années 1930-1940, à la création des Ceméa on ne parlait pas de « transition écologique », on parlait d’éducation en lien avec le milieu. Si je peux donner quelques repères pour situer comment les pratiques éducatives ont évoluées sur ces questions-là, on commence par parler d’éducation « par le milieu ». Typiquement, on peut prendre comme exemple les « classes promenades », que Célestin Freinet met en place. Dans les années 1960, 1970 on va commencer à parler "d’éducation à l’environnement en milieu urbain ». Pour se dire que dans les années 1950-1960 on parle « d’éducation nature » et 1960-1970 on va commencer à avoir, aux Ceméa par exemple, les premiers BAFA d’éducation à l’environnement en milieu urbain. C’est-à-dire pas forcément prendre en compte un repère à la nature pseudo-sauvage ou la « nature naturelle » mais en tout cas, ce qui est important c’est de prendre en compte l’environnement, là où les gens vivent. Au début des années 1980 il va y avoir tout un débat pédagogique qui va accoucher sur ce qu’on appelle « l’éducation à l’environnement » qui en fait va relier les mouvements. Ceux comme les nôtre où l’on est plutôt identifié comme éducation par l’environnement et les mouvements naturalistes de protection de l’environnement qui eux aussi ont une histoire ancienne et qui, progressivement, se sont intéressés à la question éducative pour l’environnement. C’est vraiment autour de ça que les questions relatives à l’environnement de l’éducation à l’écologie vont se structurer.
Arrive, dès 1987 et le début des années 1990 la notion de développement durable. Elle n’est pas simple parce qu’elle arrive par le jeu des grandes conférences internationales et gouvernementales et c’est une notion qui n’est pas bâtie pour traiter les questions éducatives. Elles est bâtie pour interroger les questions économiques et de production.
On voit le souci des politiques publiques « d’éduquer les gens »
Il y a en effet une approche « politique publique » qui tend à dire : « aujourd’hui les questions de transition écologique doivent aller imprégner la question du travail social ». Cela mérite d’interroger ce que l’on appelle « travail social ». Moi qui ai une vision « éducation populaire » et qui ai monté le premier BPEJPS option « éducation à l’environnement » 1, il me semble que la question du développement durable est très ambigüe. Finalement je la pose en interrogeant ce qu’est le travail social, quel est notre travail social ? Au sens initial. Mettre au travail, c’est confronter des résistances, ce n’est pas qu’exercer une fonction. Donc, dans la question du travail social au regard de l’éducation populaire, si je reprends les premiers objectifs, sont « favoriser une éducation pour tous et toutes », « lutter contre la faim », « lutter contre la pauvreté », « lutter contre les inégalités de genre ». Tout ça, c’est notre travail d’éducation populaire.
Si je comprends bien, c’est aussi pour ça que c’est une question du travail social…
Exactement. Aujourd’hui lorsque l’on évoque SOLIDAR 2, avec un travail qui est est train de se faire auprès des instances d’éducation populaire et de réseaux associatifs à l’échelle européenne, le véritable enjeu est une transition écologique juste socialement. L’enjeu est là.
Est-ce que tu es intervenu sur ces questions dans des écoles de formation du travail social ou à la demande de structures de terrains ?
Je ne peux pas donner de vision exhaustive de ce qui s’est fait avec la déclinaison de cette mention. Mais il y a cinq ou six ans, à l’antenne des Pays de la Loire des Ceméa, il y avait un secteur petite enfance, qui existe toujours et qui développe des formations, notamment pour les assistantes maternelles. On a travaillé avec ce secteur à voir comment dans les formations on pourrait avoir des modules qui permettent des réflexions visant à réduire les déchets issus des produits d’hygiène et favoriser l’utilisation de produits peu nocifs avec les tout petits. Comment l’on est pas tenus d’utiliser un tas de produits chimiques. Là au sein de l’équipe nationale nous avons des demandes que l’on identifie autour du dehors, je pense à des clubs de prévention, qui vont s’intéresser à la question du dehors, de présence sur l’espace public. Leurs questionnement résonne avec les « terrains d’aventure » 3. Pour moi ça rentre dans des questions d’écologie. Les questions de territoire, de réappropriation de l’espace public pour les habitants. Par le fait que les terrains d’aventure proposent des espaces où l’on fait soi-même. À Dieppe, il y a un club de prévention qui organise des nuitées à la belle étoile pour les enfants, les familles, sur le terrain d’aventure que l’on a ouvert. Il y a un rapport au dehors qui devient assez chouette.
Il y trois ans, on a monté, à partir du BPJEPS EED, des modules de formation pour animer les jardins pédagogiques, jardins partagés et collectifs à la demande des branches professionnelles. Nos formations initiales sont peu outillées pour travailler dans ces contextes, donc on s’est penché dessus. Ces formations existent depuis trois ans. C’est ce que l’on transposé dernièrement avec le secteur travail social, Santé Psychiatrie Intervention Sociale 4. Là on l’a décliné sur une formation « animer les jardins thérapeutiques ». On vient d’être interpellé par l’école de formation de la PJJ pour intervenir sur ce sujet à l’automne. Globalement je vois une vraie émulation. Cette année, un des principaux syndicats employeurs de notre branche a demandé à avoir une journée de formation. Ils se demandent comment accompagner la transformation de la branche professionnelle.
Notes
- La mention complète est la suivante : Éducation à l’Environnement vers un Développement Durable.
- Fondation internationale regroupant des acteurs et actrices engagé·es pour le développement d’un monde plus équitable faisant de la justice sociale un fondamental dans l’approche des actions humaines.
- Expérimentation visant à déployer sur l’espace public de certains quartiers un espace de jeu, de création et de bricolage en extérieur accompagné par des animateur·ices et/ou des éducateur·ices.
Nom donné au groupe d’actions-réflexions sur ces thèmes aux Ceméa.
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