Les enjeux de l’animation auprès des personnes âgées
L’âge de la personne ne suffit plus à la qualifier de vieux, de vieille. La question de la dépendance permet davantage de définir la personne âgée.
De même que l’on est souvent le jeune de quelqu’un, le vieux est souvent vieux par rapport à quelqu’un. Quelques explications s’imposent : imaginons que j’ai 60 ans, mais je suis jeune pour ma mère qui en a 92. Mon neveu de 17 ans lui, trouve que sa prof d’anglais est vieille, puisqu’elle a environ 30 ans… Pour illustrer, voici le témoignage d’une personne en arrivant en EHPAD(1) : " je ne me suis pas aperçue que j’étais vieille, je m’en suis aperçue en arrivant ici ..."
Ceci pour dire que même si on a beaucoup d’humour, ce n’est pas si facile d’admettre qu’on est, ou que l’on devient « vieux ». Il n’y a que les vieux qui savent ce qu’est un « vieux » et ce qu’ils ressentent.
L’animation à elle-seule ne suffit plus à mesurer l’ampleur des missions de l’animateur en gérontologie. L’animateur est un accompagnant. Il est celui qui connaît le mieux la personne, son histoire, son contexte, ses envies, ses besoins.
Les enjeux de l’individualisation sont de plus en plus prégnants tant l’animateur·rice doit s’adapter continuellement, sans isoler les personnes.
Comment adapter l'animation pour les personnes âgées ?
Pour ce texte sur les enjeux de l’animation auprès de personnes âgées, par convention, partons du principe que nous allons cibler l’animation auprès d’un public dont le dénominateur commun serait d’être au crépuscule de leur vie et/ou en perte d’autonomie.
Le souhait pour la plupart des personnes « dites » âgées, est de rester vivre chez elles C’est souhaitable en effet, et la plupart des collectivités territoriales ont bien conscience de l’importance du maintien à domicile. Elles organisent de nombreux services pour aller dans ce sens.
Lorsque ça devient compliqué pour diverses raisons, différentes structures peuvent être de bonnes alternatives entre le domicile et l’EHPAD : la résidence autonomie, le béguinage, les petites unités chez l’habitant… à condition qu’elles soient adaptées au degré d’autonomie de la personne.
L’animation auprès de personnes âgées est un concept relativement récent. C’est surtout depuis la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale qui définit et garantit les droits des résident·e·s en établissements médico-sociaux (maisons de retraite, EHPAD, etc.) et usagers des services (aide à domicile, etc.), que l’animation s’est développée. Le but de cette loi est d’assurer une prise en charge de qualité dans le respect de l’individu.
Selon l’ANESM(2) dans le document « Recommandation de Bonnes Pratiques Professionnelles ‐ programme Qualité de vie en EHPAD – volet 3 : la vie sociale des résidents, Éléments de contexte » : Aujourd’hui, la quasi-totalité des EHPAD proposent des animations à destination de leurs résidents. Un ou plusieurs postes d’animateur·trice·s, parfois doublés de coordinateur·trice·s vie sociale, existent dans quasiment tous les établissements.
Des formations adaptées au métier d’animateur·trice auprès des personnes âgées se sont fortement développées depuis quelques années permettant de clarifier les objectifs et les techniques d’animations. Néanmoins, malgré ce développement rapide l’animation en gérontologie reste une discipline jeune. La place et le rôle de l’animation restent donc encore hétérogènes et dépendent des EHPAD et seront probablement amenés à évoluer dans les prochaines années d’autant plus depuis la crise sanitaire.
Selon Bernard Hervy (3), pour les maisons de retraite, « la finalité de l’animation est de maintenir la personne âgée dans sa réalité relationnelle sociale et quotidienne en lui donnant une image positive de soi ». Dans un contexte de prise en charge de personnes âgées dépendantes, en perte d’autonomie et en questionnement sur leur place dans la société, la première utilité de l’animation est donc de lutter contre le vieillissement des rôles sociaux.
Le rôle de l’animateur dans ce contexte de prise en charge
Le maintien du relationnel est donc essentiel. Les méthodes (que l’on appellerait « pédagogiques » s’il s’agissait d’enfants) sont à réfléchir, et notamment : comment faire émerger les attentes et les besoins de la personne ?
Les activités doivent être adaptées et avoir du sens. Mais comme dit Philippe Crône(4) : « Si le bon sens suffisait, les vieux de notre pays vivraient heureux ».
Activités créatrices, manuelles, physiques, d’expression, ludiques, numériques, culturelles, intellectuelles, les sorties, des activités dont les objectifs valorisent la personne, stimulent, encouragent, en vue de construire des projets. Travailler sur les émotions peut être important, sans tomber dans le « pathos » bien sûr. L’actualité, la citoyenneté, l’histoire, son histoire, sa culture, ce qui intéresse chacun.
Rencontrer le plaisir dans la pratique d’activité de qualité, lutter contre l’occupationnel, l’isolement et les « cucuteries ». La pratique de loisirs permet de s’éloigner un moment des soucis, des « tourments » comme ils disent.
De simples visites de bénévoles, permettent quelquefois aux résidents de rencontrer d’autres personnes. Si l’accueil de bénévoles est extrêmement important pour les résident·e·s, il reste cadré par la loi. Il est précisé dans le Code de santé publique que «les associations qui organisent l'intervention des bénévoles dans des établissements de santé publics ou privés doivent conclure avec les établissements concernés une convention qui détermine les modalités de cette intervention»
L’animal aussi, peut favoriser le lien social, sa présence permet d’avoir une présence rassurante et ainsi de renforcer la qualité de vie des personnes âgées.
Les qualités de l’animateur·rice
L’animateur·trice en gérontologie doit être doté·e de grandes qualités relationnelles, tant dans l’écoute, le respect, la disponibilité, la patience que dans la créativité, doit favoriser la mise en activité, en étant proactif auprès des publics comme de l’équipe.
Les diplômes de l’animation sociale
Ils sont récents (2005 pour le Brevet Professionnel et 2008 pour le Diplôme d’État). Ils visent les publics en difficulté de liens sociaux (dont les personnes âgées). Ils sont interministériels (co‐délivrés par « Jeunesse et Sports » et « Affaires Sociales »), inscrits au CASF (code de l’action sociale et des familles) dans la catégorie des « intervenants sociaux ». Ils sont reconnus. Ils représentent aujourd’hui la plus grande partie des emplois qualifiés dans l’animation avec les personnes âgées.
Une équipe au travail
L’animateur travaille souvent au sein d’une équipe pluriprofessionnelle, il peut avoir davantage de difficultés relationnelles avec ses collègues qu’avec les résident·e·s. Le regard des collègues sur les tâches quotidiennes effectuées par l’animateur.trice peut le reléguer à la seule pratique des loisirs, à « l’amusement » alors que ces fonctions nécessitent de la préparation, de la communication avec les usagers, usagères et leurs proches, des qualités relationnelles, une réflexion sur la pratique, une évaluation et des ajustements, et donc de réelles compétences professionnelles spécifiques.
L’image du métier d’animateur en gérontologie reste à approfondir pour le positionner comme un professionnel reconnu. Beaucoup d’animateurs.trices sont des personnes qui sont ou ont été en reconversion professionnelle, des AMP (5) ou des aide-soignants.es par exemple, qui ont bifurqué suite à des problèmes de santé liés aux gestes professionnels entraînant des invalidités.
Loin de faire un choix par défaut, ces personnes affrontent un parcours de formation souvent difficile, ont pour la plupart une vraie motivation à occuper ces postes et mettent leur connaissance des publics au service d’une fonction d’animation adaptée. Quand c’est possible, la complémentarité entre ces profils et les animateur·trice·s issus d’une filière plus « classique » est très intéressante.
Les familles
L’image des établissements est souvent valorisée par les animations proposées. Les familles y sont sensibles, s’y intéressent, et demandent à l’animateur.trice, les animations auxquelles le parent a participé. Les familles sont inquiètes et/ou se sentent coupables « d’abandonner » leurs proches à une institution (surtout quand ce « placement » est subi).
Elles ont donc d’autant plus besoin d’être rassurées sur la vie dans l’établissement. Par ailleurs, le poids financier est souvent une vraie question pour les familles qui sont tentées « d’en vouloir pour leur argent ».
L’animation peut donc aussi être instrumentalisée. Cependant, ce regard extérieur et l’exigence des proches sont aussi des gages de qualité des prestations.
Car en effet, il ne faut jamais perdre de vue que ces lieux ne sont pas des lieux de passage : ils sont l’endroit où les gens vivent, vivent même leur dernière étape.
Pour que le vieillissement ne soit pas une double peine, il faut beaucoup réfléchir à ce que l’on propose, sur tous les plans et aussi réfléchir à la cohérence de l’ensemble, de la qualité des repas ou des locaux à l’adaptation des prestations proposées en passant dans tous les cas par l’écoute et le respect de la personne.
Des stagiaires de formation en animation sociale témoignent :
« Le lien que l’on crée avec les personnes âgées est unique »
« Pour rien au monde je ne changerai de public, trop riche en échange »
témoignages de stagiaires en formation professionnelle à l’Animation Sociale, stagiaire en EHPAD.
Notes :
1. Par définition, l’EHPAD est un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Il accueille des aîné·e·s autonomes ou en perte d’autonomie physique ou psychique, dans un cadre de vie sécurisé. Véritable lieu de vie, c’est une résidence médicalisée qui offre un accompagnement complet, à la fois social et médical. Y interviennent un personnel soignant et une équipe d’animation cherchant à stimuler les facultés des résident·e·s.
2. l’ANESM : Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux
3. Bernard Hervy est animateur-coordonnateur, formateur et consultant sur des projets d'animation avec les personnes âgées. Par ses travaux au ministère des Personnes âgées, il est à l'origine des formations et des qualifications "animation sociale". Il préside le GAG (Groupement national des animateurs en gérontologie).
4. Philippe Crône a écrit : Animer en Humanitude, L'animation dans les établissements d'accueil des personnes fragilisées
5. AMP : L’aide médico-psychologique (AMP) accompagne au quotidien les personnes âgées ou handicapées. Il réalise à leurs côtés les gestes de la vie quotidienne (coucher, lever, toilette, habillage, repas, déplacements…) et les aide à stimuler leurs fonctions cognitives.