Quatre coordonnateurs constructeurs de projets communs
Animateur·ices et coordonnateur·ices, Amélie, Floriane, Jonas et Quentin sont de jeunes diplômé·es DEJEPS. Dans leur travail, le besoin de construire des partenariats et un réseau formel est apparu afin de répondre aux besoins des publics de leur structure respective d’activité.
Animatrice-coordinatrice au sein d’un accueil de jour, rattaché à un EHPAD, Amélie Fresneau décrit « l’épuisement des aidants familiaux confrontés à la maladie d’Alzheimer » et le « besoin d’ouverture et d’échange avec d’autres acteurs du maintien à domicile ». Floriane Floquet, coordinatrice dans une association de médiation interculturelle, évoque « des situations de plus en plus précaires et de plus en plus complexes, laissant les associations de plus en plus démunies ». Quant à Jonas Moinet, coordinateur aux PEP, association d’Education populaire qui gère des établissements médico-sociaux, il souligne le « besoin de relancer les activités de séjour pour répondre aux besoins, aux capacités, aux envies de jeunes côtoyant les IME » de l’association. Quentin Saguez, enfin, est référent jeunesse, dans une association de lutte contre les exclusions. En charge de piloter les dispositifs jeunesse, il fait le constat que « certains jeunes, exclus, ou très souvent absents, avec des problèmes de comportement, sont notifiés ULIS ou IME mais sans affectation ».
Une fois le constat posé, les quatre coordonnateur·ices ont identifié les partenaires possibles. À son initiative, Amélie a rencontré d’autres acteurs de l’EHPAD, notamment le SSIAD, pour la proposition d’un travail commun, lors d’un forum autour des aidants à domicile afin de les impliquer sur la question du maintien à domicile. Quentin expérimente l’accueil de jeunes quelques heures par semaine au sein d’une salle mise à disposition par leur collège. Floriane tente de tisser un réseau de structures qui agiront ensemble pour lutter contre la pauvreté. Jonas organise des séjours pour les jeunes des IME avec des centres sociaux afin d’encourager la mixité des publics.
Faire face aux résistances extérieures
Le partenariat ne va pas de soi. Tous l’affirment : cela se construit, cela demande du temps, de la patience et beaucoup de diplomatie. Il faut séduire, être stratégique, convaincre quand l’action collective n’est pas une priorité. Si pour Quentin, l’adhésion du collège a été simple, pour les trois autres, il a fallu davantage de négociations et de stratégies.
Jonas a dû faire face à la résistance de l’équipe éducative, assistantes sociales comme éducateurs spécialisés : « C’était une équipe qui se sentait dépossédée. Elle avait l’impression que les séjours proposés allaient remplacer ceux qu’ils faisaient déjà avec les gamins. Donc il a fallu désamorcer, dire attention, nous ne sommes pas en concurrence avec ce que vous faites ; nous sommes complémentaires car l’idée est de créer des projets pluridisciplinaires pour le bien-être des enfants. »
Floriane s’est aussi confrontée à de nombreuses craintes : « Crainte de faire doublon avec un autre réseau. Certain·e·s ne voyaient pas d’un bon œil, que l’on souhaite créer un réseau en parallèle… Ça commençait à créer un peu d’animosité. Crainte aussi que le réseau soit un élément supplémentaire dans la charge de travail de chacun, que cela fasse un peu millefeuille, en plus des réunions, et du travail quotidien. Et puis, peur qu’on leur pique du public, peur de partager les informations ; peur que cela soit trop lourd pour eux, que cela leur demande trop d’investissement. »
Amélie affronte la « difficulté pour des organismes différents de travailler ensemble alors que nos missions sont complémentaires et œuvrent en faveur du même public. Le partenariat n’est d’autant pas une évidence » que dans certaines structures, « le temps alloué aux actions collectives n’est pas une priorité dans leur accompagnement ».
Réunir et impliquer les acteurs
Pour gagner la confiance, il faut expliquer les intentions, trouver les bons arguments vis-à-vis de partenaires craignant de perdre leur pouvoir, voire leur public et insister sur la complémentarité des missions. La force du coordonnateur, c’est de repérer le rôle de chacun tout en préservant l’autonomie de tous.
Pour preuve, la démarche de Quentin : « Nous avons mis en place un groupe de travail entre le collège et l’association pour construire ensemble le dispositif afin qu’ils trouvent du sens dans le parcours scolaire des jeunes et que nous arrivions en complémentarité avec ce qui se fait au sein des classes. Il a fallu deux ou trois réunions avec les enseignants, les CPE, les adjoints et le directeur du collège pour formaliser les objectifs du dispositif. »
Réunir et impliquer des acteurs demande du temps. Quentin insiste sur le fait que son ancienneté dans le collège lui a permis de gagner l’adhésion. Mais aujourd’hui encore, il doit accepter et continuer de s’adapter au rythme de l’institution : « C’est long mais au bout du compte, à force de persévérance et de ne rien lâcher, on y arrive. Parce que c’est aussi notre travail que de faire bouger des lignes, de faire évoluer les choses. »
Tout cela ne va pas de soi car « le coordo » animateur souffre encore de représentations. Jonas a bondi lorsqu’il a entendu les équipes éducatives dire qu’« une équipe d’animation ne peut pas être garante du bien-être des enfants ». « Faire sa place, assumer sa légitimité », comme l’explique Jonas, « mais également faire ses preuves », face à des acteurs institutionnels pas toujours à l’aise avec les méthodes actives.
Un défi stimulant
Pour « les coordos » qui exercent au sein d’équipes pluridisciplinaires, « le travail du partenariat interne est plus usant que le travail de partenariat externe », souligne Jonas qui apprécie de travailler avec les centres sociaux et les espaces jeunesse, toutes personnes qui sont formées à l’animation : « On parle la même langue, on parle d’Education populaire », explique-t-il.
Mais le jeu en vaut la chandelle car les démarches partenariales facilitent la communication et les échanges selon Amélie. « Le partenariat a amené une prise de conscience de nos pratiques et une réflexion sur les effets positifs d’un travail commun. Cela favorise une communication initialement faible et a développé l’interprofessionnalité au sein de l’équipe, laquelle a gagné en dynamisme ». Elle insiste, de fait, sur la mise en place d’une « autre dynamique. On travaille différemment ; cela amène autre chose. On est reconnu, on nous appelle, on se sent moins isolé. »
Même constat pour Floriane dont le réseau a permis davantage « d’échanges, de lever les freins sur les cas spécifiques ». Car mieux communiquer permet de mieux orienter, d’améliorer la prise en charge des personnes. Parce que la démarche partenariale est bien au service du public comme l’explique Quentin : « Plus aucun jeune n’a été exclu de classe depuis qu’il est entré dans le dispositif. C’est ce travail de partenariat qui permet que ces jeunes soient dans un parcours de réussite. » Pour autant, il n’est pas gagné d’inscrire le partenariat dans la durée. Floriane reconnaît, au final, l’efficacité du réseau mais elle reste perplexe quant à la volonté des autres acteurs de formaliser le travail.
Pour Amélie, le forum a été une vraie réussite mais en demi-teinte car depuis « aucune action n’a été relancée. Tout le monde est retourné dans sa vie ». Jonas se montre un peu plus optimiste : « Maintenant le plus dur reste à venir, qui est de conserver cette dynamique mais là, elle est très bien lancée. »
Quant à Quentin, il est à la recherche de subventions pour pérenniser le dispositif. Mais un autre projet est déjà en marche, à savoir l’ouverture d’un accueil au sein du collège les mercredis après-midi, pour notamment favoriser la transition entre le primaire et le collège, mais également pour impliquer les enseignants dans des démarches de co-animation. Un joli défi pour stimuler le partenariat.